Souvent il y a le ciel qui s’en mêle, qui crache de l’eau en continu, il n’y a pas de répit, les vagues naissent à l’origine des cours d’eau et ravagent les villages, EFFROI
Souvent il y a la terre qui vibre, qui craque de toutes ses strates accumulées et comptées en millions d’années, qui fracture les routes, déchire les paysages, engloutit les voitures et les hommes, on ne peut pas fuir, ÉPOUVANTE
Souvent il y a les bandits en turban qui enlèvent les femmes, les contraignent sous cage, les humilient, soumettent des territoires qui ne leur appartiennent pas au nom de choses qui n’existent pas, EFFROI
Souvent les corps n’en peuvent plus, ils se déchirent comme la terre, ils se cognent la tête contre les murs, développent des tumeurs ignorées qui les empoisonnent et multiplient leurs cellules au point que la vie cède, à quel moment, on ne sait pas, INQUIÉTUDE
Souvent il y a des livraisons de caisses lourdes remplies de matériel de guerre, il y a la guerre, on veut gagner des territoires, soumettre, imposer sa loi, il y a la guerre, les cadavres tombent au bord des routes, EFFROI
Souvent enfants délaissés maltraités, femmes sous le joug, prisonniers torturés, hommes noirs tabassés, filles violées assassinées, populations massacrées pour des histoires absurdes, mais c’est quoi la colère à ce point, ÉPOUVANTE
Souvent il y a des feux immenses qui s’emparent des steppes, des forêts, des zones de brousse, des lisières de villes, les poumons des hommes et des bêtes s’embrasent comme à Pompéi, la vie réclame l’eau qui ne vient pas, INQUIÉTUDE
Souvent la brutalité des éléments, je ne comprends pas, souvent la rage au ciel et au cœur des hommes, souvent ils n’en ont rien à faire de la souffrance des autres et tous ceux-là même qui possèdent et monopolisent les biens du monde sont pourtant faits de chair et de sang, je ne comprends pas, souvent la terre, souvent la révolte, les éléments qui se déglinguent, le ciel qui s’en mêle, l’arme qui tue, le feu qui s’étend, la boue qui engloutit, l’eau qui noie, EFFROI EFFROI
Souvent le silence des plaines et l’abrupt des versants, les roches de l’antédiluvien qui se laissent conquérir par la caresse des lichens et le pas léger des chevreuils, souvent marcher là, poser le pied pour sentir cette douceur, comme un réconfort qui viendrait de la terre profonde, qui remonterait au cœur, animerait les mains dans un mouvement infiniment lent, mouvement capable de poser des mots aussi doux que le lisse des aiguilles de pin, aussi doux que la peau aux endroits intimes pour disloquer l’épouvante célébrer la beauté, plus encore, tout ce qui est niché là en nous, inconnaissable et indicible, écrire comme au fond du désert ou au fond de la mer, écrire hors de l’effroi loin des déflagrations jusqu’à la mort du corps, la mort existe depuis toujours, nous en suspens au-delà du chaos comme accouplés au temps
Quel apothéose ! Tu écris comme toujours sauver quelque chose, il y a de ça dans ta plume dans ta pate. Tellement bien dit l’effroi comme le beau avec une description si personnelle comme écrire depuis le profond de la terre. D’ailleurs tu l’as écrit : « écrire comme au fond du désert ou au fond de la mer ». Merci, Françoise.
heureuse de te retrouver là, Anne, et merci pour ton écho de lecture si précis et si doux…
sauver quelque chose de ce qui peut encore être sauvé, oui sans doute… tu me connais mieux que moi-même
Ton texte révolté assène des faits effrayants, injustes et inexorables.
Mais la fin est comme une rédemption. Elle va tout droit vers la lumière.
Merci Françoise !
affrontement à la réalité des faits, juste jetés hors de soi
la rédemption devient tellement nécessaire
et nos échanges aussi…
(merci Fil)
Oui, merci pour ces mots. Et cette fin apaisante. Essentiel, ce dernier paragraphe. Trop de souffrances à la lecture des autres textes, à l’écriture du mien. Nuit d’effroi et jour heureusement férié, calme à retrouver.
il était bien question de l’effroi, alors forcément dur
et tant de souffrances, c’était fatal !
heureusement du temps nous est donné, ensemble retrouvons la beauté…
(merci de ton passage)
Tout est très juste ici. Merci Françoise.
ton passage est doux sur la fureur…
Souvent il y a.. de quoi consoler et se consoler dans les répits des tourmentes. L’épouvante, cran supérieur à l’effroi tu l’as bien contextualisé, pas besoin de lire les journaux et consulter les médias,elle se promène comme une pandémie insatiable, elle nous oblige à nous abriter sous nos dénis, nos scotomes idéologiques, nos euphémismes et nos colères rouges. Cet exercice n’est que la clé de la boîte de Pandore. L’ouvrir de temps en temps, pas trop souvent pour continuer à vivre avec les autres, avec soi dans la proximité des désastres. Se dire plus souvent tiens, comment puis-je supporter tout cela, comment puis-je soutenir les autres, sortir de mon nombril ? Merci Françoise, nos univers dans l’écriture sont proches.
tu as bien fait de prononcer le mot consolation…je l’avais presque oublié…
et oui comme tu as raison, ne pas l’ouvrir trop souvent, cette terrible boîte, car nous n’arriverions plus à avancer
merci pour ton écho, Marie Thérèse, à nous retrouver dans et entre les lignes…
Quel beau texte Françoise, merci pour ces mots. Le dernier paragraphe nous arrive comme des gouttes d’eau après une traversée du désert.
il me touche que vous m’ayez lue.. merci Irène
et cette nécessité de l’oasis au milieu du désert
il nous faut pouvoir continuer à marcher
à vous lire, à vous retrouver vers l’avant et aussi plus loin…
Je n’en suis pas encore à la consolation, mais te lire apaise. Merci, Françoise ! Trop beau !
écrit ce matin tôt… il faut s’organiser
et on ne sait jamais ce qui va sortir
mais je suis épatée par ce marathon qui nous pousse dans nos retranchements et hors des tranchées
(si heureuse de ton accompagnement quotidien, Helena)