La dernière fois que je l’ai vue, nous buvions un café sur une terrasse ombragée du vieux Lisbonne. Je l’entendais discuter avec Pereira, en train de manger une omelette. Je ne me souviens plus très bien ce qu’il prétendait.
Je l’ai croisée à New-York, c’est certain. Sur les ruines des tours jumelles avec cet indien que les aïeux sur plusieurs générations avaient construit. Je l’ai cherchée dans les dédales d’Auster, de SoHo et de Greenwich, entre les immeubles de briques rouges, dans les rues humides où les bouches d’égouts dégueulent des nuages de vapeurs.
Mais c’est à Paris que je l’ai vue le plus souvent. Sur le pont de Tolbiac en plein brouillard. J’ai dû l’apercevoir avec Vernon à parler rock des années 70 sous un autre pont à la cloche. Je suis sûr de l’avoir croisée dans un grand magasin près de Belleville en train d’engueuler Benjamin. À Notre-Dame, elle discutait sur le parvis avec un bossu et une bohémienne. Dans une rue (laquelle ?), dans un immeuble (quel numéro ?), elle a parcouru tous les appartements et toutes les vies qu’ils abritaient. Avec Georges, elle a aussi essayé d’épuiser la place Saint-Sulpice (je crois). Elle a aussi humé le parfum de Jean-Baptiste Grenouille sur l’Ile de la Cité.
Je l’ai cherchée à Barcelone, dans les coulisses de l‘exposition universelle de la fin du XIXème siècle, dans les tréfonds de la ville des prodiges. Je l’ai poursuivie dans le Palerme de Montalbano, à Carrare dans les carrières de marbre du XVIème siècle. Je lui ai emboitée le pas à Venise, sur les ponts mystérieux qu’elle traversait au bras d’un marin portant un anneau à l’oreille. À Alger, sous le soleil implacable, elle n’a pas pleuré au côté de Meursault.
Je me souviens d’elle, coincée dans un ascenseur entre deux étages d’un immeuble marseillais, ou dans un petit cabanon aux Goudes avec Fabio Montale.
J’ai été ému de la revoir avec Budaï dans un parc de cette ville inconnue en train de chercher où se déversait l’eau du ruisseau le traversant, pour remonter le fleuve, pour rejoindre la mer et prendre un bateau et partir.
Je l’ai poursuivie partout. Mais c’est elle qui me retrouve.
Très beau fil conducteur, cette elle mystérieuse !
Merci pour ce magnifique voyage !
Merci Fil. Je ne sais pas qui elle est. Elle est peut-être une ombre que je vais continuer à poursuivre.
c’est superbe…
bravo JLuc, sans commentaires…
Merci beaucoup, c’est très aimable à toi.
Très chouette, très jazz, idéal pour être lu à Vienne, dans l’expo femme jazz, tu ouvres un beau hors-champ,
Jazz, peut-être. Expo, curieux. Vienne, pourquoi pas. En tous les cas, très flatté. Merci.
Oui, superbe !
Merci Helena. Je ne suis jamais allé à Lisbonne autrement qu’avec le livre de Tabucchi. Mais quel livre !
Bravo !!
Merci Piero. J’ai envie de poursuites en ce moment. Sans aucun doute, la réminiscence d’un chapitre de Centurie de Giorgio Manganelli où il est question d’une poursuite qui s’inverse.
Très chouette cette ombre qui parcourt les souvenirs. 🙂
merci beaucoup aimé. Elle est venue on le sent. Elle va revenir.