L’éclat blessant du sable, le reflet des fenêtres, et aussi tu t’étourdissais de chaleur Les murs sont blancs. La lumière fait la couleur noire. La lumière fait les tracés droits en dépit de la brume. Les individus se détachent à peine. Les ombres se valent, ombre du bus, ombre d’un corps, ombre d’un arbre. C’est la ville de Camus.
Il y a les rues d’hiver et puis l’or des vitrines. Là c’est le chaud et là c’est le froid. Le dehors et le dedans, l’intime exposé, de l’or et des étoffes, les vitrines et derrière, comme des palais de chair, de sucre, la vie qui palpite, mielleuse, collante, chaude, étroite et odorante. Dedans c’est la ruche, éventrée, mise à jour. Là c’est le dehors : les rues planes, pourtant abruptes, les rues sans escaliers, qui pourtant s’escaladent. En face, les vitrines allumées, transparentes, semblent se hérisser, immenses, verticales, massives, rauques telles des contreforts. Ici, la rue, l’hiver, la neige fondue, grumeleuse, les cahots, la vie qui hoquète, qui s’efforce, les lueurs falotes et sans chaleur, au bord de l’extinction. Dedans, la vie grouille, se reproduit, se gorge d’elle-même, suçote et digère le suc de la ville. C’est la ville de Capra, c’est la ville d’Andersen, c’est la ville de Dickens.
La vie est sans frontière quand les murs n’en sont pas. Celle-là est traversée de fantômes, toute poreuse, une éponge de temps, d’espaces, de sensation, qui absorbe et dégorge. Là, le corps mis à nu et là c’est la façade. Le conte, le journal et l’exil. C’est la ville de Rilke.
Le souvenir est une spirale, mais lui file tout droit. Il suit le tracé de la côte. Il va de ville en ville. Il y a des sauts dans le temps. Il y a des objets. Il y a des scènes. Il y a la gare, et alors qu’il est dans la gare, il part loin, dans un autre lieu, dans une autre gare. Il n’est jamais tout à fait là. Et pourtant ce point qu’il constitue, est un comme aimant. Le réel d’un coup, et puis tous les temps, s’agrègent autour de lui comme de la limaille de fer. Cette matière qui vole et se laisse aspirer, tournoie et se colle. Il se densifie, il se constitue, il continue à marcher. Chaque pas déclencheur, chaque objet correspondance, réseau, synesthésie. Il se densifie et le sol sous lui se creuse et l’espace prend sa forme et se troue. Dans l’espace et le temps s’ouvrent de nouveaux chemins, de nouveaux chenaux. C’est la ville de Sebald, c’est la ville aussi de Baudelaire.
Codicille : utiliser l'exercice 31 pour s'aventure dans l'exercice 32. Parce qu'il était bien, l'exercice 31.
des villes à découvrir grâce à vous. Riche idée d’avoir associé les deux propositions. Merci