Cabane du bouquiniste, un jour d’errance sur les pas de. Et tu le vois, couverture sous feuille de papier cristal. Tu l’as déjà mais pas en collection Poche. Les pérégrinations te guident et tu repars avec contre toi les Cahiers. Les mêmes qu’avant la catastrophe. Rachetés. Escalier : tu descends près du fleuve, sur le quai et tu ouvres au hasard le livre : c’est le passage de Christina Brahe, dérive fantomatique qui confirme la nécessité de relire, en tournant la page. Un reflet t’aveugle, venu d’un remous, ou d’un sillage Emane-t-il de l’adolescent qui peut-être est passé par là après avoir largué les premières amarres ? Ce sont des villes ! On est tout au bord : les péniches sont à quai. Certaines sédentarisées, pour la galerie. Celle-là sur le départ. Tu entends au dedans Philou te parler de Cidrolin, au beau milieu des Fleurs bleues. Ou des trois aveugles – le Blanc le Pendard et le Bœuf – en route vers la ville éternelle. Philou, ni homme ni bulle à qui tu en veux d’avoir disparu à 33 ans dans un absurde accident de voiture, après une ultime cabriole langagière je suis jésu ressuscitu. L’Espiègle habitait rue Notre-Dame-des Champs à Paris et de ce QG s’emparait de la ville, à commencer par le métro. Pas seulement celui de Zazie mais le sien, bel et bien : ça sent le suif et la naphtaline, dans ses poèmes il y a aussi la barre où s’accrocher pendant le transport. Recueils publiés après sa disparition. Bruit sourd d’un moteur : la péniche va se détacher du quai. Embarque tout de suite, comme quand tu faisais du péniche-stop près de l’écluse de Saint-Amand-les-Eaux. Dans les ombres remuées par la coque du lourd bateau, les deux Charles rappellent Paris qui se mire dans leurs textes et tu te souviens de la suite : dans le grand parc de Lakanal ou dans le parc de Sceaux à voix basse en pensant à Augustin, on se lisait des passages de Miracles : mais on allume ce soir comme un fanal à l’avant du vaisseau perdu, chargé de fièvres et de senteurs, la lampe domestique. On dérive : la grande brûlée dans son corset de fer et de grues s’éloigne lentement et tu penses à « ton ami Victor » comme disait le peintre en t’offrant l’exemplaire aux gravures délicates. Illustrations enracinées dans les mots des intersections – hauteurs assourdissantes et cour des miracles se perpétuant aujourd’hui un peu partout. Dans les faubourgs, c’est la faute à Rousseau et les fumées de l’industrie qui se démultiplie, Louise qu’on a oubliée dans l’histoire les a signalées dans ses Glanes. Honoré, Emile, ont puisé en abondance dans l’espace urbain tendance prolifération, matière à embarquements nouveaux. Le fleuve s’élargit, la péniche du vingtième siècle est lourde, elle prend l’eau : Czeslaw Irène Primo et tant d’autres écrivent les négatifs des villes, camps et ghettos ; les reflets meurent et toi tu apprends en lisant effarée ce que la ville aux entrailles maudites cache et révèle en même temps. La navigation se poursuit la péniche mondialisée 21 doit arriver à bon port, du crapaud de Haruki à la fille qu’on appelle. Effet de surcharge, les tonnes d’ouvrages charriés mettront peut-être en danger le subtil équilibre de la ligne de flottaison. Ou sonneront l’alerte. On ne sait pas. Tu débarques, ailleurs, sur un autre quai. Délestage. Reprendre pied.
« Reprendre pied. » belle conclusion à ce texte qui m’a permis de beaucoup voyager. Merci