#40jours #31 | acht

Un courant d’air qui happe, appel à s’engouffrer dans le tunnel. Sous les rails un passage piéton avec deux barrières en quinconce pour empêcher les deux roues à folle vitesse qui mettraient en danger le piéton qui ne presse pas le pas, le climat ne le permet pas, 40 degrés à l’ombre ils ont annoncé, choisir entre les deux celui des trottoirs qui n’est pas au soleil, pour filmer c’est un désavantage parfois, une grille s’ouvre comme porte automatique effaçant le panneau rond où est inscrit propriété privée, une allée de gravillons où l’on distingue les coups de râteau de lui, minuscule, invisible, avec pour seule trace, celle de son râteau, comme une flèche tracée ou est-ce illusion, une porte cochère trop basse qui s’enfonce à mi-chemin entre le sol et le mur de la maison, le battant de droite de la porte s’ouvre vers le dedans, l’image d’un aubergiste comme un hologramme hèle le passant et bonimente d’une voix tonitruante, des clameurs sortent de son antre ou est-ce de son ventre, couper par la pelouse malgré l’interdiction, le cercle planté en terre avec l’image d’un pied coupé par une hache ne suspend avec trois gouttes de sang, rouge, le sang, quand tout semble privé de couleurs comme un soir d’automne entre chien et loup, l’herbe n’a pas séché malgré la canicule, elle est fraîche et ne crisse pas sous le pas, elle recouvre un escalier et entre dans une église ou plutôt une cathédrale, il faut lever les yeux pour admirer les vitraux qui ne représentent rien, un damier en noir et blanc, les statues des saints ont été remplacées par les pions d’un jeu d’échec et le roi et la reine ressemblent à Marie et à Dieu, le cochon seul à être rose quand tous les autres couverts d’or, la nef est devenue passage obligatoire et un moine marche en sens inverse. Il parle sans qu’aucun son ne sorte de sa bouche. Les gens le comprennent son message. Il n’y a plus besoin de se signer devant la sacristie. Une vieille qui n’a pas compris est aussitôt emmenée manu militari par deux moins qui sortent de ce qui semblait être un confessionnal. Le jardin suspendu c’est par là indique un enfant de chœur en broderies vertes comme un code couleur pour ne pas perdre le fil de la déambulation, la sienne ou la leur, Dresdes, Berlin, Madrid, New York, Cap Code, Genève, Muncih, Ludwig Stasse, le roi qui est devenu fou, qui s’est suicidé en se jetant dans un lac, un cousin de Sissi qui n’allait pas très bien non plus, après un début si prometteur, Am Bürgerplatz, c’est écrit sur un panneau, il faut trouver le numéro acht, acht am Bürger platz, la cascade qui recouvre le dôme d’or de l’église comme une fontaine, mais sans le bruit et en bas un écriteau zum trinken avec deux traits qui barrent l’inscription, une eau salée à cause des larmes qui s’y sont mêlées, mais personne pour l’expliquer.

A propos de Anne Dejardin

Projet en cours "Le nom qu'on leur a donné..." Résidences secondaires d'une station balnéaire de la Manche. Sur le blog L'impermanence des traces : https://annedejardin.com. Né ici à partir du cycle«Photographies». Et les prolongations avec un texte pour chaque nom qui dévoile un bout de leur histoire. Avec audios et vidéos, parce que des auteurs ou comédiens ont accepté de lire ces textes, l'énergie que donnent leurs voix. Merci. Voir aussi sur Youtube.

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