Un camion poubelle bloque la rue. Des hommes en vert et jaune vont chercher les grands bacs plastiques gris et les fixent sur le monte-charge avec des gestes brusques mais parfaitement exécutés, à l’économie. Ils regardent pensivement la grande bouche du camion enfourner sa ration de déchets. Freinés dans leur élan, les cyclistes, les motards, les trottinetteurs, les scooteristes, disciples des mobilités anciennes et nouvelles, passent à droite et à gauche du camion. Certains montent sur le trottoir où les passants, fraichement douchés, marchent d’un pas rapide vers leur journée de travail. Les automobilistes condamnés à l’attente pestent contre la lenteur du camion et l’anarchie de la circulation. On les voit taper sur le volant, gueuler en vain dans l’habitable de leur mini. Une bulle de mauvais humeur aux relents piquants d’ordures ménagères se forme au-dessus de la chaussée. C’est un beau matin d’hiver pourtant, crissant et lumineux. Des décorations de Noel sont accrochées aux arbres dénudés et clignotent sur le bleu velouté d’une fin de nuit. Une femme aux cheveux courts et grisonnants avance en vacillant sur le trottoir. Elle s’arrête, regarde son reflet dans les vitrines où chapons, plateaux d’huitres ou de fromage, foie gras et buches glacées s’amoncellent. Elle semble familière du quartier mais perdue, ailleurs, dans ses pensées. Elle se concentre pour ne pas trébucher. Elle est pieds nus.
la présence saisissante de cette femme. Je ne vois qu’elle. merci
à l’économie, en effet, tableau vivant et sonore.