#40jours #30 | pini di roma

On avait donné à cet endroit un nom prometteur bien représentatif de cette époque, le Jardin de Cythère. C’était une résidence médicalisée rochelaise avec des murs rose saumon, des carottes betteraves au déjeuner, des vieux parkinsoniens tremblotants et une infirmière en chef qui s’adressait aux pensionnaires avec le pronom il ou elle : « elle a bien dormi », « il a encore sali son lit » (le « iel » n’est pas encore en usage dans les EPHAD).

L’un d’eux, très mélomane, m’avait fait aimer Pini di Roma d’Ottorino Respigbi, que j’écoutais en alternance avec R.E.M, Pino Daniele et Litfiba, un petit groupe de rock romain.

Divorce rapide et économique et documents en une heure. Le divorce ne faisait pas partie des choses qu’il envisageait (récemment, j’entendais une fille qui parlait de congeler ses ovocytes comme si c’était un acte anodin, une simple précaution – on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve !  Voilà quelque chose que je n’ai jamais envisagé pour moi. Certaines expériences de la vie se trouve hors champs, pas forcément par peur ou conformisme mais par manque d’imagination). Trop catholique, trop intègre, divorcer aurait fissuré l’image solide qu’il avait de lui-même. Il avait, croyait-il, trop à perdre en divorçant et il a préféré le sacrifice de son bonheur au déshonneur de se dédire.

Fuir est la seule solution. Fuir la grisaille quotidienne, la quotidienneté comme elle dit (c’est une intellectuelle) et le faire vite avant que le jour se lève, en remettant à niveau sa dose d’alcool dans le sang.

Nous avons beaucoup à te dire. Il s’agirait pour nous enfin de parler et dire ce que nous avons vécu, espéré, subi, appris en vivant à tes côtés. Tu as été la personne la plus importante de notre vie mais est-ce bien certain? Ton ombre se projette sur notre histoire mais nous arrivons à un âge où la clarté nous importe et cette ombre débordante devrait pouvoir être contenue.