Un endroit idéal pour se cacher. Je pense que c’est en 1975. Ça appartient en tout cas aux toutes premières images. C’était au camping municipal de Châtillon-en-Bazois, dans la Nièvre. Les emplacements se trouvaient autour de l’anneau ovale d’une piste d’athlétisme. On avait une caravane Adria bleue et une 104 orange. Les journées se résumaient à jouer avec les escargots après la pluie et faire des tours de vélo avec les autres gosses. Je me souviens d’une petite fille qui, un après-midi, m’a demandé : « Et toi, c’est où ta cachette ? » Je n’avais pas de « cachette » et l’idée même de « cachette » m’était inconnue. Je me rappelle avoir cherché des yeux une réponse possible et trouvé un buisson assez grand pour y entrer tout entier. « C’est là ma cachette ». Et, de là, découvrir les bienfaits puis la nécessité d’avoir à soi un endroit comme celui-ci, absent aux autres.
Fuir est la seule solution. Choisir Dieppe parce qu’à Dieppe on ne connaît personne et que personne ne nous connaît. Dieppe parce que ce n’est pas loin de Paris et qu’on aime quitter Paris depuis St Lazare plus que de n’importe quelle autre gare – parce que St Lazare est la gare qui contient toutes les autres gares parisiennes – les cinq autres comme des redondances. Dieppe parce que Dieppe est communiste et sombre. Dieppe parce que de Dieppe partent des ferries pour l’Angleterre inaccessible en temps de covid. Dieppe parce que rue de la Barre se trouve un restaurant « yougoslave » dont le menu reprend exactement ceux de Belgrade, un restaurant « yougoslave » aux murs couverts d’images du Pays-qui-n’est-plus en 1950 – Dieppe pour tout ça.
« Votre voyage commence ici » ou bien se termine, je ne sais pas, c’est la beauté du Danube. En fin de journée, quand la chaleur retombe, longer le fleuve à l’est de la ville, face aux forêts. Je ne suis jamais parvenu à lier les différents Danubes que j’ai connus. Celui de Vienne, un peu à l’écart du centre, qu’on voit si bien depuis les cabines de la grande roue du Prater – celui de Budapest, le plus tumultueux à mon souvenir, ce Danube si large qu’il sépare nettement Buda de Pest, si nettement qu’on n’a jamais retenu laquelle était laquelle. Il y aussi, plus proche, un retranchement possible en haut du 19e, métro Danube, sur cette place si calme où deux cafés et quelques tables sur le trottoir sont toujours là pour nous accueillir. Le Danube de Belgrade est tout autre. Le Danube de Belgrade est un fleuve large et apaisé, un fleuve de tranquilles péniches. En fin de journée le longer, dans ce coin où les pêcheurs somnolent et les chiens courent en liberté et, dans le couchant, se dire que le voyage pourrait un jour se terminer ici, parmi les Serbes, en silence.
c’est très beau. Les mots et les images des images et des mots
Tes textes sont ceux d’un arpenteur amoureux des villes.
Ça me plaît beaucoup !
Merci Xavier.