#40jours #27 | demain le soleil la ville.

Lui: On ne le reconnait plus, tu es d’accord…depuis cette histoire de bombe il n’est plus le même

Elle: On ne peut pas dire qu’il soit si différent, ce n’est pas tout à fait ça, on le reconnaît tout de même, peut-être qu’il lui faut un peu de temps, qu’il nous faut un peu de temps à tous 

Louis: Meme si je ne suis pas là vous continuez…vous ne vous arrêtez pas…vous ne vous arrêtez donc jamais… que je soies là ou non le sujet n’est pas est-ce qu’on me reconnaît ou pas… c’est même loin d’être le sujet…

Lui: Avant je ne faisais pas attention c’est maintenant que les choses me reviennent… souvent de tous petits détails… tu te souviens toi aussi… je suis sûr que tu te souviens… tiens par exemple ce drame quand nous avons quitté La Grave … et tout ça pour quoi ? 

Elle: Tu veux parler de la montre je crois … oui c’est drôle j’y ai pensé hier en retrouvant ses bulletins scolaires dans un carton… je me souviens qu’elle était tombée et que le verre s’était brisé en mille morceaux sur la route… mais ce n’était pas sa montre… tu te souviens c’était la montre de la petite Magnard qui était venue,  la pauvre, elle était toute en sueur,  elle avait du courir pensant nous rater…. C’était sa montre à elle pas celle de notre Louis…

Lui: J’avais  oublié ce détail vois-tu… je n’ai jamais compris pourquoi il avait fait tant d’histoires pour si peu… 

Louis: Tant d’histoires pour si peu… ils n’ont jamais eu la moindre idée de la peine du chagrin que j’ai éprouvé au moment de quitter les lieux … pour eux un déménagement de plus de moins qu’elle importance pourvu qu’on grimpe dans l’échelle sociale, pourvu qu’on ne soit jamais à découvert … ah cette fierté de ne jamais être à découvert… comment on peut traumatiser un gosse juste avec ces mots… cette montre brisée c’était bien plus qu’une simple montre ils ne l’ont jamais compris ils pourront faire tous les efforts du monde pour essayer de comprendre,  ils ne feront que tourner autour du pot, comme autour d’un événement… ils tourneront autour de la bombe… et toutes leurs questions tomberont toujours à côté comme des os des chairs des lambeaux … le trou par contre quel trou c’est ça … il n’y a jamais eu de trou… vous  en êtes encore là… vous en resterez toujours là… toujours tout réduire au hasard et le hasard à de l’anodin…

Lui: pourtant on a toujours fait au mieux… on dirait qu’il nous en veut à cause de ça justement parce qu’on a fait du mieux possible …tu n’es pas d’accord Martine ? 

Elle: Je ne sais pas… ce dire qu’on a fait au mieux… ce sont des mots… tu les as toujours tellement utilisés ces mots… 

Lui: Donc tu n’es pas d’accord …  je sentais bien que tu étais sur ta réserve… je sens aussi que toute la responsabilité encore une fois de plus…

Elle: Arrête s’il te plaît… ce n’est pas en faisant de grands moulinets avec les bras comme tu as l’habitude de le faire…

Louis: Bravo maman ! Tu as toujours eut bien plus de cran que lui, vas-y lâche tout d’un coup, je suis curieux de voir si tu as vraiment ce cran d’aller jusqu’au bout …même si de toute façons le mal est fait… Mais peut-être que pour retrouver une bonne conscience … car c’est ça finalement l’un des enjeux de cette conversation… la conscience des actes effectués.. la conscience de toutes ces paroles dites dans une frénésie animale de vouloir combler un trou un vide un silence une question… bien curieux de voir la suite… continuez ne vous gênez surtout pas pour moi comme d’habitude.

Lui: peut-être que je suis  en partie responsable mais responsable de quoi tu peux me le dire ? 

Elle: On n’en finirait pas… et tu vois tu cherches encore… tu espères qu’avec des tenants et des aboutissants, je te dresse une liste de tout ce dont j’ai pu me rendre compte, le fait de les énumérer  te donneras encore une fois le sentiment d’avoir effectué une bonne affaire… tu vas pouvoir régler la note d’un coup … tu vas aller acheter un de tes affreux bouquets de fleurs… je peux bien te le dire désormais … je n’ai jamais aimé tes bouquets de fleurs ils sont  toujours le signe de tes dérives de tes trahisons de tes mensonges innombrables…et surtout de tes repentances de menteur… tu nous embobines depuis tant d’années… et tu crois qu’on n’a rien vu ? 

Louis: ouais ! Vas y maman tu le tiens là ! crochet du gauche uppercut il vacille … ah si j’étais là je t’aiderais c’est sur … mais demande toi pourquoi je ne suis pas là …demande le toi pour t’aider à cogner plus fort encore…

Lui: A vous entendre je suis donc le pire des monstres… pourquoi es-tu restée alors ? Sûrement parce que quelque part tu y as trouvé ton compte n’est-ce pas… peut-être que ça t’arrangeait bien d’avoir un genre de putching ball sur lequel cogner.. facile comme ça d’être une éternelle victime… 

Louis: ah là un point partout … bravo Papa… c’est bien dommage que vous n’ayez pas fait ça plus souvent … je me suis souvent posé cette question… peut-être qu’il faut du temps… des années … une fatigue qui progressivement nous envahit, dévaste tout, bouge toutes les frontières … peut-être que la franchise sort ainsi, comme un jus pressé au robinet d’un blinder quand la fatigue a achevé son travail d’écrabouillage, de mixage de rumination… 

Elle: Tu ne t’aimes pas tu ne t’es jamais aimé et tu nous as fait porter cette charge de t’aimer au delà de ton impuissance… j’espère que tu t’en rends compte à présent … 

Lui: Et pourtant je vous aime vous, j’ai toujours tout payé, vous n’avez jamais manqué de rien … je ne comprends pas … 

Elle: je crois que tu comprends très bien au contraire… tu n’as jamais voulu essayer d’être vraiment toi… toi comme je t’ai vu moi… comme je n’ai cesse de te voir m’en aveuglant au besoin… tu as suivi ton père et le père de ton père et tous les autres tu n’as jamais voulu que ça te mesurer à cette fiction d’homme…tu étais, tu es toujours perdu dans ton rêve… 

Louis: avantage maman ! Ah si j’étais encore là je vous embrasserais fort… toute cette incompréhension entre les êtres … tout ce ridicule d’avoir à vivre ensemble comme des naufragés… oui si j’étais là… mais je suis ailleurs désormais perdu dans cette ville, peu à peu je m’enfonce en elle, elle me digère comme tout le monde vous les autres moi… demain le soleil la ville sous le soleil … et nous dans la pénombre, les souterrains les caves les catacombes.

A propos de Patrick B.

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