Le vieux monsieur. Soixante-dix-sept ans. Aux fraises. Habite. Petit pavillon. Face au squat. Grand garage. Rue des Cascades. C’est sa maison. Avec la petite cour. La petite grille. Peinte en vert. Bouteille. La glycine. Entrelacée au fer. Un étage. Chambre. Vue sur la rue. Voit l’ancien garage. Directement. Aujourd’hui squatté. Entend. Ils font du bruit. Tout le temps. Jusqu’à. Des heures impossibles. Concerts. Regroupements. Attroupements. Ça grouille de jeunes. Patibulaires. Blousons noirs. Hier. Encore. Jusqu’à. Deux heures. Du matin. Du rock n’ roll. Ça ne l’amuse pas. Le vieux monsieur. Alors il guette. Depuis la fenêtre. De sa chambre. Qu’est-ce qu’ils. Peuvent. Bien foutre. Dans ce bordel. Voyous. Crevures. Feraient mieux. Travailler. Pas honnête. Ce soir. Cette nuit. Pas de bruit. Ça a défilé. Toute la journée. Panneaux. Trépieds. Banderoles. Affiches. Bouts de ficelle. Ça s’est calmé. Vers. Vingt et une heure trente. Depuis. Silence. Enfin. Le vieux monsieur. Monte. Dans sa chambre. Peu avant. Minuit. Mate. Voit les fenêtres. Anciens bureaux. Rez-de-chaussée. Ancien appartement. Patrons. Premier étage. Des grilles devant les fenêtres. Même au premier. On n’est jamais. Assez. Prudent. Voit des jeunes. Filles et gars. Surtout des gars. Attablés. Devant. Litres. De rouge. Discutailler. Pense. Ils se chamaillent. Comme d’habitude. Les regarde. Furieux. Mais résigné. Il va aller. Bientôt. Au lit. Pour une fois. Pas de bruit. C’est pas. Qu’il dorme beaucoup. Mais. Quand même. Le vieux monsieur. Commence. Se prépare. Quitte. Son observatoire. Mais. Mais. Mais. Entend un groupe. Marcher. Remonter la rue. Qui c’est. Ceux-là. Mais. Mais. Casques. Barres de fer. Avancent. Pas rapides. Arrivent à la hauteur. Du squat. Devant chez lui. Carrément. Mais. Mais. Mais. Tambourinent. Porte blindée. Du garage. Ouvrez. On va tout défoncer. Ça se met à beugler. À taper. Ceux-là. Encore voyous. Blousons noirs. Cherchent. Démolir la porte. S’ils se battent. Entre eux. Maintenant. Sale engeance. Sortez. On vous attend. Ça crie plus fort. Les gus. Dans le bureau. Se sont levés. Regards. Interrogateurs. Il les voit. Paniquer. Un peu. Ça sent pas bon. Quel boucan. Le vieux monsieur. Prend. Sa décision. Appeler. La police. Ne viennent jamais. On sait jamais. Descend. Salle à manger. Téléphone. Dix-sept. Commence. Raconte. La bagarre. Un peu longs. À la comprenette. Les flics. Oui. Rue des Cascades. C’est bien ça. L’ancien garage. C’est un squat. Ils sont là. Toute une bande. Venez vite. Ça dégénère. Oui. C’est ça. Mais. Mais. Mais. Mais. Entend des coups de feu. Raccroche. Remonte. Dare-dare. Dans sa chambre. Voit. Les jeunes casqués. Repartir. Portant. L’un d’entre eux. Dix minutes. Plus tard. Mate encore. Les jeunes du squat. Se tirent. Marchent doucement. Se font la malle. Le vieux monsieur. Trépigne. Toujours pas de poulets. À l’horizon. Plus personne. Ni dans le garage. Ni dans la rue. Ah si. Une jeune femme. Remonte. Tranquillement. Doit rentrer chez elle. Doit travailler la nuit. Quand les policiers. Seront là. Le vieux monsieur. Dira tout. Il y a toujours. Un témoin. Qui a tout vu.
oh oui ton témoin, si vrai…
et puis ça marche ton style, c’est fou, même si à la longue !! ahah, mais c’est un pari, un challenge et oui de oui… on y va et on lâche pas quand on commence ton texte
je relève « Discutailler. Pense. Ils se chamaillent. » infinitif, puis verbe 3e personne du singulier, puis une courte phrase. et ça c’est fort ! Voilà ce que tu tiens désormais bien en main…
Chère Françoise, une fois de plus un très grand merci pour ta lecture très attentive et très bienveillante !
Beaucoup aimé la description du vieux monsieur à sa fenêtre, sans pouvoir agir (ou si peu), perdant pied dans cette réalité hostile. Très beau portrait !
Merci pour ta lecture, Helena !
Oui mon témoin se débat vraiment en milieu hostile. Il y a, quoi qu’il en soit, toujours un témoin pour chaque drame…
Encore un grand merci !
Je te lis à rebours et je vois que les points reviennent. je me demande s’ils laissent place pour de la musique. En tout cas, il y a un sacré tempo. tes phrases torpillent. Une tension jamais relâchée, on est tellement proche de ce vieux monsieur. C’est fort
Merci Catherine pour ton commentaire !
Oui, les points sont là plutôt pour la percussion. Mais ils servent aussi à découper le texte en petites facettes, ce qui crée tensions et mouvement à l’intérieur. Ça oblige l’auteur et le lecteur à effectuer un travail…
J’adore cette façon de couper par un point, là où c’est pas fini et à deux reprises ce point. Ce rythme et ce portrait du témoin impuissant. Et la fin : Il y a toujours. Un témoin. Qui a tout vu. Merci.
Merci beaucoup Anne pour ton retour !
Il me fait très plaisir, d’autant plus que mon parti-pris d’écrire un peu comme un cubiste ne te déplaît pas.
Merci encore !
ça marche très bien, on n’imagine pas la rue des cascades ainsi troublée, mais qui sait
Bonjour Marion,
merci pour ton message, il me fait très plaisir !
Oui, la rue des Cascades est bien pacifiée maintenant.
Ce style si particulier qui oblige à lire à haute voix le texte pour ne rien en perdre. Un peu essoufflée à la fin. Merci
Oui Danielle, ce mode d’écriture est un parti-pris. Je voulais essayer de continuer jusqu’au bout. Pour le moment, ça marche…
C’est une bonne idée de lire à voix haute.
Merci pour tous ces retours et tous ces compliments !