Oublier le 5 septembre 2013.
Retour sur le premier trimestre 1960.
Basile a tout juste huit ans.
Comme tous les dimanches, son grand-père paternel, Fulbert, vient le chercher pour aller à la salle Gouloumès. Il attendait avec impatience le coup de sonnette, était déjà prêt, plus que son manteau à enfiler. Il court, il vole.
Il monte dans la traction noire, s’installe sur le siège arrière. Il a toute la banquette pour lui. Il se met bien au milieu pour se voir dans le rétroviseur, salue à peine sa grand-mère – enfin la deuxième épouse de son grand-père, qu’il appelle mémé Charlotte – demande à quel match ils vont assister.
Oui, il sera sage ; oui, il ne courra pas partout, oui, il sera poli, oui oui promis. Vite qu’on y arrive.
Pas facile de se garer, pas beaucoup de place. Pourtant ils arrivent plus d’une heure avant l’heure, vont se garer rue du Repos – le cimetière n’est pas loin, parfois ils y vont avant sur la tombe de sa vraie grand-mère morte bien avant que son propre père ait son âge – , car son grand-père est officiel sur le match. Officiel, il ne sait pas trop ce que cela veut dire. Mais il sait que c’est important. Sans son grand-père, le match n’aurait pas lieu. C’est que qu’il a compris. Ce dimanche-là, il a sauté vite de la voiture, avant que le moteur ne soit arrêté. Il a eu mal. La voiture n’était pas tout à fait garée, grand-père Fulbert manœuvrait encore et roula sur son pied.
Aïe ! mais pas le droit de pleurer. Il n’avait pas à sortir avant l’arrêt complet.
Il ravala ses larmes, boita un peu et oublia dès qu’il eut franchi la double porte de la salle Léopold Gouloumès. Ils étaient déjà là à s’échauffer.
Maintenant en 2022, une maison de retraite remplace la salle Léopold Gouloumès.
Plein de trous noirs qui aspirent mon imagination… le sport dans la salle ? Le 5 septembre 2013 à oublier ? Et cette traction noire, sans doute traction-avant…
Une petite interrogation sur les sauts temporelles, imparfait, passé simple, présent, pourquoi choisir l’un ou l’autre et en changer ? C’est un peu ma marotte que de poser la question pour amener celles/ceux que je lis à se la poser, c’est assez intéressant. Je pense en effet à l’exercice de l’été dernier, très impressionnant sur Charles Juliet. Ce n’était pas forcément la contrainte du « tu » qui m’avait frappé même si elle était très riche pour penser un personnage et lui donner des contours, mais l’usage du présent de l’indicatif et exclusivement celui-là que j’avais trouvé d’une force remarquable. http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3657
Rétroliens : #40jours #39 | aller-retour – Tiers Livre | les 40 jours