Il passait là. Il avait trop bu. Il n’avait pas les idées claires. Il passait là et a vu la fille nue, et pas loin des vêtements (plutôt des vêtements d’homme et une grande écharpe bleue) il passait là où d’ordinaire il ne mettait jamais les pieds, il était mal vu d’y mettre les pieds, et il ne contrevenait en principe jamais aux lois même non écrites sauf quand il avait bu. L’ivresse lui donnait des envies transgressives, de l’insolence, de l’entêtement et lui causait généralement des ennuis. Ce n’était même pas une envie transgressive qui l’avait conduit là, il s’était juste perdu,mais quand il vit cette fille nue collée à la paroi vitrée close d’immeubles en principe toujours clos, dans ce quartier qu’on nommait le quartier retranché, il fut pris de pitié ; ce n’était pas son genre la pitié, mais il avait bu, plus que de raison bu, et en somme dans ces circonstances, il la perdait, la raison, la raison raisonnable et légaliste dont il s’enorgueillissait quand il était à jeun. Cette fille était belle bien qu’il ne voyait pas très clair, ce qui était patent c’est qu’elle était éperdue, ses mains collées à la vitre alors qu’elle dormait dans une nudité extrême, ses mains semblaient chercher un refuge que s’endormant, certainement épuisée, elle n’avait pas trouvé. Il ramassa les quelques vêtements gris et malodorants qui traînaient au sol et l’écharpe bleue et la couvrit. Il lui caressa même les cheveux comme on fait pour un enfant, il n’avait pas d’enfant, mais c’est bien l’idée qu’il s’en faisait. Elle était assez jeune, et il pensa : c’est une fugitive, oui certainement un de ces fugitifs dont on parle aux informations. Il avait vaguement entendu parler d’évènements troublants dans le quartier retranché, mais il n’écoutait que d’une oreille distraite les informations, sachant très bien mobiliser son attention quand une nouvelle le concernait directement, lui, les résultats du match ou le coût de la vie par exemple, en l’occurrence ce qui se passait dans le quartier des retranchés ne le concernait pas à priori, si bien qu’il ne savait pas trop ce qui s’était passé, mais il avait bien entendu le mot fugitif c’était certain. Ce mot ne correspondait pas trop à ce qu’elle semblait être, la fille endormie, épuisée, jeune et belle, l’air d’un enfant traqué. Il entreprit de lui enfiler la veste grise et malodorante se doutant bien qu’elle ne devait pas lui appartenir, il fallait bien la couvrir, mais il avait bu, ses gestes étaient maladroits, la fille a glissé le long de la vitre et s’est étalé les jambes un peu écartées devant cette porte vitrée close et c’est là qu’il a vu le sang entre ses cuisses. Ça l’a déssaoulé d’un coup.
Terrible !
Merci Catherine pour ce texte à la chute violente !
C’est beau, dis donc. Il y a un avant déjà écrit ? Un après ?
Oui Anne, il ya un avant (dans mes tablettes ) et dans certaines propositions, quant à la suite, ça dépend des fois…;-)