Il est arrivé dans le petit matin. Avant le tour de quartier et la revue des menus travaux du jour. Après la nuit sur le fauteuil défoncé de la plage des pêcheurs. Il s’y était endormi embrumé d’herbe face au reflet de lune. Il avait vu un poisson-volant traverser l’horizon. Son esprit avait divagué dans la demi-somnolence. Il est arrivé dans le petit matin. Il a senti dans l’air que quelque chose ne tournait pas rond. L’air était grillé. Il est arrivé dans le petit matin. S’est figé net. A monté les quelques marches donnant accès à la dalle. A saisi le miroir de ses deux mains. L’a brandi à bout de bras. A fait un tour sur lui-même. Son reflet dans le paysage dévasté. L’a reposé contre le cadre en béton noirci de suie. S’est frayé un passage en enjambant la grille abattue et rougie de rouille. S’est accroupi dans le vrac de tôle et d’acier. Au pied de la statue de Saint-Antoine. S’est pris la tête dans les mains. A longuement pleuré. Le corps secoué. Le ciel a bleui pâle. On dira que c’est sa faute. Mais tout ça c’est jalousie. C’est pas sa faute. Il a dormi sur le fauteuil de la plage des pêcheurs. On dira que c’est sa faute. Mais tout ça c’est jalousie. Son royaume. Dévasté. Depuis, il rôde. Paroles débitées en chapelet de mots sans suite. Il rôde dans le petit matin renifle la cendre soulève les tôles comme s’il cherchait quelque chose. Il se penche et ramasse une feuille, une page de dictionnaire aux bords roussis. Il s’arrête baisse les bras. Deux larmes coulent sur sa joue et tracent un sillon sur le visage barbouillé de poussière grise et rouge. Dans sa bouche, un goût de cendre.
Merci pour ce texte si beau !
Merci beaucoup Helena ! M’en vais te lire dès que je suis posée.
personnage très attachant, envie de suivre cette histoire, merci
Merci beaucoup Cécile ! Je prends le temps de te lire la semaine prochaine !
Envie moi aussi d’en savoir plus sur ce personnage qui prend de plus en plus corps. Merci