#40jours #25 | au vent

Un mur ancien qui entoure une cour d’école et les cris reconnaissables. Quatre platanes alignés se partage l’espace équitablement, chacun a réduit sa voilure comme d’un commun accord. Des grilles par-dessus le mur et un portail sont de couleur grise, assez claire pour égayer tout en restant dans le ton du quartier. Même peinture pour les volets des fenêtres ouvertes des salles de classe. Un drapeau français, un horodateur, des guirlandes de triangles à espaces réguliers pour joindre les deux versants de toute la rue pour une fête qui a eu lieu ou qui se prépare. C’est le dernier jour d’école. Rue Crillon, là où est fixé le drapeau sur le ponton de la porte d’entrée à double battant. En face un café restaurant le coq en pâte il semblerait, mais l’écriture choisie est particulière et presqu’illisible. L’effet sur le store rouge est très joli, même si on ne parvient pas à lire. A cause du sourire accueillant de la serveuse on se sent comme c’est noté sur le store. A cause du vrai café allongé servi dans une vraie grande tasse en faïence et pas dans ces gobets cartons avec cuillère en bambou. J’examine le mur, aucune trace. Quelqu’un a écrit sur la plaque au feutre noir Free Palestine. Tu te dis que les auteurs du graphitti n’ont pas dû lire ce qu’elle indiquait. Tu penses aux images qui se sont formées dans ta tête suite au récit qu’on t’en a fait, même chose, même période, ailleurs, même pas dans le même pays. Tu penses à tous les films qui ont mis en scène ce acte. Tu penses au charbonnage de l’Arbre St Michel et cela n’a rien à voir avec la plaque commémorative. Le peu que tu en connais, c’est Germinal, le film avec Renaud, pour te donner une idée et les livres de Zola. Tu voudrais savoir ce qui s’est réellement passé à l’Arbre St Michel où ton grand-père était un directeur qui tentait d’alerter son directeur et à qui revient la responsabilité. Tu ne le sauras jamais. Ou alors tu ne veux pas le savoir. Devant la plaque, tu penses à ceux qui ne voulaient pas que ceux d’après ne connaissent rien de ce qui s’était passé là, contre le mur de l’école des filles. Une fois que ceux qui pouvaient raconter ne seraient plus en vie pour témoigner, pour empêcher qu’on oublie. Les petits triangles qui alternent leur couleur de façon  répétitive faseyent au vent du matin pour rappeler la fête passée ou à venir.

A propos de Anne Dejardin

Projet en cours "Le nom qu'on leur a donné..." Résidences secondaires d'une station balnéaire de la Manche. Sur le blog L'impermanence des traces : https://annedejardin.com. Né ici à partir du cycle«Photographies». Et les prolongations avec un texte pour chaque nom qui dévoile un bout de leur histoire. Avec audios et vidéos, parce que des auteurs ou comédiens ont accepté de lire ces textes, l'énergie que donnent leurs voix. Merci. Voir aussi sur Youtube.

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