10 mai 1981 : la tête pixélisée de Mitterrand apparait sur l’écran de télé familial. Mainard sera ministre et sa vie soudain bascule.
3 mars 1983 : le placard de la cuisine est rempli de dosettes de vin blanc qu’elle tête comme des compotes pour enfant. Le lit grince.
9 février 1987 : elle râle depuis la chambre noire, d’une voix pathétique : tu ne m’aimes pas. Première ambulance.
6 mai 1992 : on vient la chercher à son travail. Elle dort sous le bureau. La bouteille d’Evian sur la table est remplie de vodka. Honte.
20 juin 1996 : Les flics la retrouvent à Vincennes, la cheville brisée en six morceaux, sans papiers, sans argent. Verbalisée, hospitalisée, opérée.
13 septembre 2001 : Les tours sont tombées. Le monde est sidéré. Elle joue à la guitare Valse Sem Nome.
16 décembre 2007 : elle prend des cachets, arrive morte à l’hôpital. On la sauve in extremis. Un suicide déguisé.
3 décembre 2010 : on enterre son mari. Dans l’Eglise, il y a foule. Elle n’est pas là. Elle en a pour trois ans, dit quelqu’un.
19 juillet 2013 : la nuit est agitée, mauvaise, angoissée ; le matin, à 4 heures, elle meurt seule d’une crise cardiaque dans une chambre à Conflans.
le destin brisé et le temps qui s’y casse les dents, ce texte en forme de brève frappe et installe un fort suspens, car chaque fragment laisse beaucoup dans l’ombre,
Fragments tragiques. Le vide qui les relie angoisse. J’ai beaucoup aimé ce vide.