Sentiment d'être loin de la proposition mais elle m'a transportée à ce jour là, dans le hall d'une gare, alors je me suis laissée emporter.
Alerte canicule, perturbation possible sur votre train 8572. Prévoyez de l’eau en cas de besoin.
Les corps se recroquevillent sur leurs téléphones portables. Les mouvements ralentissent, la course s’arrête. Près d’un banc une voix résonne. Elle dit : le monde crève, allègrement ! Moi je voudrais que ça dure, que ça crève longtemps ! Dans le kiosque au bout du hall elle achète un magazine, lui une bouteille d’eau. D’autres s’inquiètent de leur correspondance, le disent au contrôleur. La voix frôle l’absurde, se mâtine de réalité. Une abomination. Tu sais ce qu’est une abomination ? Pauvres petits poissons qui crèvent ! L’homme de ménage pousse l’autolaveuse d’un côté puis d’un autre. Il contourne les voyageurs, s’excuse. Puisque tout crève ! Le panneau d’affichage annonce un retard de trente minutes. Ils se lèvent, ils font quelques pas, ils changent de siège. Les portes ouvertes en vis-à-vis créent un courant d’air. Même le minimum vital ils ne le perçoivent plus. Même l’eau et l’air, basent de toute vie, même ça, n’a de mérite à leurs yeux. Quelques pièces tintent dans le distributeur automatique pour un café latté sans sucre. Un homme vient chercher de l’eau pour son chiot qu’il porte sous le bras. Vos immondices sont en train d’enterrer les petits. Une jeune fille s’insurge du bruit des paroles, veut faire taire l’homme. L’homme s’agite, les corps tendent leurs regards vers eux. C’est un trouble soudain. L’avaient-ils remarqué, entendu auparavant ? Abomination ! La jeune fille remet ses écouteurs et s’éloigne vers les caisses automatiques. La lumière faiblit, l’orage s’annonce. Ça f’rait des vacances à la terre. Pauvres petits poissons. Un mouvement vers les quais, des trains entrent en gare et repartent, laissent circuler des files de voyageurs qui n’imaginent pas l’homme dans son coin. C’est tout droit tout droit. Et moi je n’y peux rien. Le parquet luit et les passagers n’osent marcher aux endroits nettoyés. Les contrôleurs se succèdent derrière le plexiglass du comptoir. Les employés de la SNCF s’agitent, renseignent, la chaleur monte. L’autolaveuse s’est arrêtée. L’homme range des sacs plastiques dans des sacs plastiques, les enfouit dans un sac à dos beige foncé.
Votre attention s’il vous plait, votre TER 8572 initialement prévu à 16h23 va entrer en gare voie une.
C’est une beau début d’histoire. On se laisse emporter nous aussi. Merci.
Merci pour ton retour. J’ai laissé l’homme dans le hall de la gare. Je l’y retrouverai peut être lors d’un autre déplacement pour poursuivre l’histoire.
ça fonctionne très bien avec tes paroles intégrées en italique
et c’est prenant
ces parcelles de monde que sont les gares, les scénettes, l’inquiétude, l’ennui, tout y est
bravo…
(encore des poissons dans ton texte… je t’imagine un lien avec les poissons !)
Merci Françoise pour ta lecture. Pas de lien avant ces textes avec les poissons mais des coïncidences qui font lien. Encore un fil à tirer