La salle d’attente d’un nouveau centre médical privé où tu avais rendez-vous aujourd’hui, après les formalités tu te retrouves assise dans les beaux canapés en velours bleu glacier, ça tombe bien il fait une chaleur insupportable, contrairement à tes habitudes tu n’as pas emporté de livre et ta batterie est presque plate, donc tu essaies d’éprouver l’attente, on ne pouvait entrer dans le centre que cinq minutes avant la consultation ; en avance, tu as attendu dix minutes dans le hall d’entrée, puis dix minutes sur le canapé, tu n’aimes pas attendre et tu t’arranges toujours pour arriver en dernière minute mais là, pour une fois, pas possible d’être synchrone. En avril tu avais conduit ton frère à un rendez-vous de contrôle post-opératoire dans un hôpital, tu ne l’as même pas accompagné dans la salle d’attente, il a préféré y aller seul, tu as attendu à l’accueil avec petit détour par la cafétéria, pain au chocolat et café, regardé des trucs sur ton téléphone, quoi, tu n’en as plus aucune idée, c’est tellement machinal, tellement automatique, mais à nouveau tu as trompé l’attente, oui, il faut la duper pour qu’elle n’envahisse pas ton territoire, qu’elle non plus ne te trompe pas ? Puis il y a eu cette longue attente fin 2019 de ton vol retardé vers Prague, tu te revois dans cette attente avec la personne qui t’accompagnait dans ce voyage pour le travail, vous avez attendu ensemble, mais quel que soit l’objet et les circonstances de l’attente, que ce soit dans un hôpital ou, a fortiori dans une gare ou un aéroport, l’attente est un no man’s land, un no man’s land de la vie, une anti-chambre, un lieu où il ne se passe rien et tu sais qu’il te reste du chemin à faire avant de te sentir chez toi dans ce no man’s land.