9.00
Basile sonne et attend l’ouverture du portail.
Personne.
Il sonne de nouveau.
Un léger bruit, il regarde la porte, s’aperçoit qu’elle s’est ouverte en silence.
Pas de bonjour joyeux, donc pas de merci empli du plaisir d’être là.
Il se dirige comme chaque mardi et jeudi vers sa pièce, la Bibliothèque Centre de Documentation. BCD trois initiales pour un lieu qu’il affectionne particulièrement. Il y accueille des élèves, parfois les attend le temps de leur récréation ou de l’oubli de l’enseignant de lui envoyer quelques ouailles.
Mais ce matin, personne à l’horizon, mais surtout porte close de l’endroit habituellement ouvert.
– Monsieur le directeur a disparu ?
– En rendez-vous
– Longtemps ?
– Il revient vers 10.00 ou 11.00
– Et la clé ?
– Je ne sais pas.
Personne ne sait où est la clé, pardon où sont les deux clés : la grosse et celle des deux verrous s’ouvrant avec une autre clé.
Cela débute mal ce jeudi…
Basile ne peut pénétrer dans son antre et va commencer son attente d’une petite heure ou de deux longues heures.
Il commence à maugréer.
Je devais finir de ranger les livres, pointer les manquants, mettre les ouvrages en double ou triple exemplaire dans certaines classes et… et… brancher mon ordinateur, je sais qu’il n’a plus beaucoup d’autonomie.
Pas de prise de courant dans le hall d’entrée — logique, car inutile ici on ne passe jamais l’aspirateur, seulement une toile humide.
Pas d’élève puni aujourd’hui — heureusement dernier jour de l’année scolaire — avec qui il pourrait discuter, regarder le travail qu’il est censé faire, l’aider un peu ou ne rien dire — pas là pour cela.
Le hall est vide.
Le réseau filaire, inexistant pas de prise, le sans-fil, n’arrive pas jusque-là.
Il s’assoit et continue à maugréer.
Utiliser mon téléphone pour le réseau, mais presque plus de batterie. Le chargeur je l’ai, mais il n’y a toujours pas de prise pour le brancher.
Il râle intérieurement, retrouve, par hasard, dans son cartable une paire d’écouteurs, s’interroge d’ailleurs sur leur présence, car il ne les utilise jamais, mais là pourquoi pas.
10.06.
Basile a une illumination.
Je vais m’écouter en direct l’émission que j’écoute en podcast le soir.
Parfois trois d’affile, car il n’a pas eu le temps avant – comme un arrière-goût des propositions rédigées en retard.
Le générique et surtout la voix de Dorothée. Il se permet de l’appeler par son prénom — elle n’en saura rien.
Le sujet du jour, il n’en croit pas ses oreilles :
« Ce lieu est universel : tout le monde y est déjà passé. Que ce soit chez le médecin, chez le dentiste, dans les administrations, à la gare ou à l’aéroport, la salle d’attente est en endroit où le temps se suspend, où les regards se croisent. »
– Bonjour, je ne vous ai pas vu arriver, marmonne-t-il presque quand il sort de la bulle où les voix des différents intervenants l’avaient emprisonné.
– La clé n’est plus sur le placard.
– Quel placard ?
– Celui en face de vous. Le double est là. Je vous l’avais dit.
– Non, non sinon je l’aurais prise.
– Vous écoutiez quoi ?
– Un écrivain qui a fait commis un livre qui s’appelle « La patiente de 17 heures ». Il va falloir que je l’achète.
Le directeur lui ouvre la porte. Basile retrouve les livres qui ne s’étaient pas rangés tout seul et remet à sa soirée l’écoute de la suite de l’émission.
Une nouvelle attente.
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Un peu beaucoup de retard dans la rédaction du texte relatif à cette proposition. Mais contre mauvaise fortune, bon cœur, car — histoire vraie — Basile a pu écouter en direct une de ses émissions préférées de l’été sur France Inter, animée par Dorothée Barba, « L’été comme jamais » avec comme sujet juste ce qu’il fallait
« Que se passe-t-il quand on patiente dans une salle d’attente ».
Régalez-vous aussi les oreilles sans modération.