Métro Glacière comme un prélude à ce qui t’attend. Tu sors de la station, tu marches un peu, tu y es. Facile de savoir où tu vas devoir attendre, la file n’est pas aussi courte que tu l’espérais alors que tu es en avance comme il te l’a recommandé. Tu t’installes au bout de cette file. Elles t’ont bien regardée, la petite nouvelle qu’on n’avait pas encore vue. Toi tu as gardé les yeux baissés et tu t’adosses au mur, poses ton sac à terre avec tout ce qu’il t’a demandé à l’intérieur. Il fait froid et la rue est venteuse comme pour te décourager de rester là, tu ne sais pas pour combien de temps. En face, des immeubles d’habitation, qu’en pense-t-ils les gens qui vivent ici toujours la vue de ce haut mur dès qu’ils ouvrent une fenêtre ou juste en écartant le rideau. Tu passes d’un pied sur l’autre, tu t’accroupies à moitié assise sur le sac, tu te relèves croyant que c’est bon, qu’ils vont vous faire entrer au frémissement que tu perçois dans la file. Mais non fausse alerte. Elle grandit à mesure que le temps passe cette file surtout des femmes, certaines se reconnaissent donnent des nouvelles des petits, du patron qui n’a pas voulu, le mois dernier, donner la journée, une visite de perdue. On reconnait les habituées avec leurs gamelles à grignoter pour tromper l’attente et de quoi boire quelque chose de chaud. Evidement tu n’as pas pensé à tout ça, c’est une première pour toi, pas question d’aller à la boulangerie plus loin boulevard Blanqui que tu as repéré en sortant du métro. Ici les places de se garde pas, tu t’en vas, la file se resserre tout simplement. La plupart des gens changent de trottoir pour éviter de frôler ces femmes fatiguées mais qui pourtant ont pris soin de se faire belles. Tu n’as rien fait de particulier, tu es venue comme tu es tous les jours. Les voitures passent, certaines ralentissent et des yeux scrutent la procession. Ton écharpe n’est pas assez chaude et le vent vient se glisser dans ton cou dès qu’il trouve un espace à refroidir et tu commences à être gelée. Tu repenses à cette station au nom si étrange mais qui prend tout son sens à chaque coup de vent, enfin pour toi, aujourd’hui, dans cette fin de matinée. Une poussette, deux mômes de front qui courageusement décide votre trottoir, rentrer les sacs, se coller au mur, râler un peu mais ça passe. Tu lèves la tête vers ce ciel couvercle, sans nuages formés, ne laissant jamais de bleu apparaitre, vu comme ça le mur parait ne jamais finir. Tu te demandes pourquoi tu es venue, pourquoi tu as menti pour obtenir un droit de visite, pourquoi tu n’as pas laissé faire les autres. Tu regardes le sac à tes pieds et tu pourrais le laisser là contre ce mur qui n’en finit pas dans cette rue ventée, inhospitalière, avec toutes ces personnes que tu ne connais pas, dont certaines ont des yeux brulants de colère et courir, vite, ailleurs. Tu as préparé des cassettes avec de la musique que vous partagiez mais tu ne sais même pas si elles lui seront données. Tu en as marre. Marre de cet humour à deux balles qui fait nommer un centre pénitencier La Santé. Tu es prête à partir quand la lourde porte s’ouvre et que tous les sacs sont ramassés et que la file se tasse. Tu y vas ne sachant pas ce qui t’attend derrière ces murs. Tu ne pourrais pas reconnaitre maintenant qu’ils ont tout rénové.