Les fenêtres ouvertes des appartements alentour témoignent de la canicule qui repart. Comme un animal suffoquant ouvrant grand sa gueule les immeubles de la ville n’ont plus de vitres, mais des trous. Témoignent aussi du jour de la semaine. C’est dimanche. Des emplacements de stationnement libres dans la rue. Impensable en semaine. Ceux qui avaient un ailleurs à portée de voiture sont partis. Peu de mouvement de véhicule. Un silence inhabituel. Un père avec dans le dos un enfant de trois ans dans un porte-bébé de grand avec des armatures en fer joue à se laisser guider par le bambin. La mère est restée sur le trottoir à l’ombre. Au bout de son bras désabusé balance un chapeau d’enfant selon un mouvement de balancier qui s’accorde à son pas. Ils se dirigent vers le parc, ses grands arbres et sa fraîcheur fantasmée. C’est elle qui motive. Dans l’immeuble de standing qui a des balcons qui courent sur toute la longueur de la façade le corps d’une jeune femme. La balustrade en verre le dévoile tout entier. Son buste se tord en pivotant légèrement puis revient au centre le dépasse et poursuit dans l’autre sens. Le geste énergique est ancestral. On dirait un mouvement perpétuel. Il exprime sa volonté d’endormir le bébé qu’elle recouvre de ses deux bras. Les cheveux noirs tirés en chignon sur la nuque. Elle porte du saumon, un tablier peut-être signant le personnel de maison. Elle a disparu le temps que je m’interroge. Sans doute est-elle allée le poser dans son berceau. S’est-il réveillé dès qu’il a senti l’absence, mordu par un avant-goût de solitude ? L’arbre généreux qui pousse dans le mètre carré qu’il lui est octroyé entre la façade et le trottoir déploie une branche de part et d’autre de son tronc pour ombrager les balcons. Et cela jusque tout en haut.