Les affaires de la petite fourrées dans le sac à dos decath’, une robe pour chacune soigneusement pliée dans la petite valise, toujours le vague survêt’ qui sert décidément à tout, allez on y va, l’ado de la voisine est bien mobilisé pour câliner les chats pendant que, alors que, tandis que, les billets sont bien présents sur l’appli sncf, la cb est bien mise à jour sur l’appli uber, allez on y va, on fait un nœud papillon à la poubelle, et c’est parti, on y va, on ferme la porte, un tour de clef suffit, la petite a son sac à dos, toute contente à la perspective d’habiller / déshabiller / habiller / déshabiller ses poupées en caoutchouc, vague dégoût qu’on écarte comme une araignée tombée ahurie sur le nez dans une balade en forêt, ting-tong l’ascenseur, les traces de doigt sur l’inox, penser à regarder comme on les nettoie, eau chaude et tissu blanc, on s’en fout on y va, on balance le sac poubelle dans la benne avec un peu trop de force, elle s’étale du gel hydroalcoolique sur les mains, un peu trop, ajuste le masque sur le nez, en tend un à sa fille, laisse le chauffeur se débrouiller avec les bagages, s’engouffre dans le VTC tête la première, clic-clac les ceintures, on y va, on ouvre l’appli facebook, ferme l’appli facebook, ouvre l’appli facebook, ferme l’appli facebook, Gare du Nord, le bleu du ciel la suffoque, s’engouffrer dans la gare tête la première, mais reste à côté de moi, laisser monter la petite puis s’engouffrer dans le train bien connu la tête la première, elle se laisse tomber sur les sièges qui ont été un jour vert et gris, la petite babille avec ses poupées, comme prévu, tout va bien, elle ouvre l’appli facebook, ferme l’appli facebook, ouvre l’appli facebook, ferme l’appli facebook, la cathédrale rassurante sur la colline, Gare de Laon, bordel le train suivant est annulé, mais ce n’était pas indiqué sur l’appli sncf, mais madame le conducteur n’a pu arriver à temps, hein, mais quand est le prochain, dans 3 heures, la pesanteur s’étale comme une pâte à tartiner sur les épaules, l’enfant lève ses grands yeux, allons nous promener ma chérie, on va aller voir la cathédrale, sac sur le dos, valise qui roule grrr-grrr, main libre qui tient celle de l’enfant, qui tient celle de l’enfant, on va monter avec les escaliers, mais c’est sans fin, je n’en peux plus, je ne vais pas y arriver, houspiller l’enfant mais attention à la route, acheter une bouteille d’eau cristalline à la boulangerie en face de la cathédrale, c’est beau hein, clic droit quelle heure est-il, redescendre en 15 minutes ce qu’on a mis 1 heure à monter, s’engouffrer dans le train tête la première, s’étaler sur le siège bleu marine du ter flambant neuf, « la région hauts-de-france vous souhaite la bienvenue », non Picardie, PI-CAR-DIE pense-t-elle, le bocage rassurant après Vervins, il y a même des petits moutons, heureusement qu’il fait beau, Gare d’Hirson, s’engouffrer dans le taxi tête la première, toutes mes condoléances de la part de qp taxis, l’enfant jette quelques coups d’œil à sa mère mine de rien, les sapins quinquagénaires, la porte du garage, ne pas faire tomber les clefs sous les grilles de l’égout, ouvrir les deux serrures toujours un peu grippées, y mettre trop de force, enlever les chaussures, dire ma chérie dire maman dire je vais monter mettre de la lumière, l’odeur est épouvantable, elle ouvre grand les fenêtres pour y laisser entrer le printemps, le silence a décapité la maison, l’enfant danse, rit, chante.
Super texte, (un peu) haletant. C’est vraiment très agréable à lire !
Merci Sophie !
Merci infiniment de votre passage, Philippe
Picardie, amie, merci, pour ce texte prenant.