#40jours #18 | Et à chaque fois c’est la même chose.

 une première note  https://peinturechamanique.blog/2022/06/28/traces-notes-essais-sur-rentrer-chez-soi/ j'ai l'habitude d'écrire sur mon blog directement et ensuite de copier le contenu sur la partie auteur du Tiers Livre parce que ce n'est pas toujours possible de le faire directement ici, ça rame.
Donc  je rentre chez moi, mon blog j'écris mon texte, ensuite CTRL A et CTRL V 
Mais j'ai pris l'habitude de publier tout ce que j''écris sur ce blog ce qui entraine la nécessité de travailler double pour participer à cet atelier. Le livre commence par Heureux qui a vu le jour se lever sur le  pont de Bezons du coup comme  monsieur Rolin  copie je copie aussi :

Heureux qui a vu le jour se lever sur la rue Jobbé Duval, cette petite rue qui relie la rue des Morillons à la rue Dombasle dans le 15ème arrondissement de Paris. Combien de fois y suis-je retourné au cours de ma vie ? disons 5 ou 6 fois au plus, avec toujours la même perplexité. C’est à dire que je me demandais pourquoi mes pas me ramenaient jusque là, alors que je n’en avais jamais eu le but. C’était toujours par hasard que je revenais à la Rue Jobbé Duval, je marchais comme un somnambule et me réveillais devant la porte du 15bis. Face à une lourde porte de fer que je ne pouvais plus ouvrir désormais. Je dansiculais d’un pied sur l’autre un moment, puis totalement éveillé cette fois je repartais vers l’ailleurs. Il m’aura fallu des années pour comprendre cette étonnante répétition, comme si aussitôt que j’arrivais dans le quartier, dieu sait comment, mais moi si , de temps en temps, je passais une sorte de frontière magique sans m’en rendre vraiment compte. Je crois que les dernières fois où je me suis de nouveau réveillé devant le 15 bis de la rue Jobbé Duval je devais habiter chez Lara, impasse du Labrador. Encore qu’habiter n’est pas tout à fait exact puisqu’elle m’hébergeait. Je revenais du Portugal, pas un fifrelin en poche j’avais cogné à sa porte, parfois ce n’était même pas la même de cogner, on savait où se trouvait la clef, y avait-il même une clef – et on entrait sans autre, on s’installait. A cette époque là et à plusieurs autres, j’avais profité de cette aubaine pour traverser la frontière magique. Je me souviens très bien, que je longeais le parc Georges Brassens, et que des images des anciens abattoirs de Vaugirard me revenaient peu à peu, il y avait soudain des vaches des moutons et des agneaux sur les jolies pelouses et toute cette population animale fantôme bêlait et paissait au beau milieu des gens allongés, avachis sur l’herbe verte. Je ne m’attardais pas sauf le samedi je crois où il y avait le marché aux livres. J’en fauchais régulièrement un ou deux en passant puis je me carapatais vers la rue Dantzig, et ensuite la rue des Morillons et ensuite encore j’apercevais la boulangerie au haut de la rue Jobbe Duval et paf , la transe me reprenait illico, le 15bis rue jobbe Duval encore une fois.

Je crois que je me suis sorti de cette malédiction en relisant l’Odyssée d’Homère, vous savez ce héros grec rusé qui tient la dragée haute aux dieux de l’Olympe et qui évidemment pour le punir l’empêchent soi disant de revenir à Ithaque, de rentrer chez lui. la question est de savoir si Ulysse a vraiment envie de rentrer chez lui. Et s’il n’a pas envie à 100% de retrouver Pénélope, alors cette soi disant malédiction est plutôt une sacrée aubaine ; quand on y pense. Il serait rentré illico de Troie à Ithaque aurions nous une histoire … Il fallait donc qu’il erre durant des années sur la mer vineuse, qu’il rencontre Polyphème Circé, Nausicaa j’en passe et des meilleures avant de revenir à la maison pour s’apercevoir de quoi et bien que les prétendants occupent la place. Qu’il faut les tuer, retrouver Pénélope en lui prouvant au préalable qu’il est bien son mari … bizarrerie maligne de l’auteur, en expliquant comment et avec quel bois il a construit un lit. Et c’est à ce moment là une fois que tous les prétendants sont occis que Pénélope s’écrie en larmes « Ciel mon mari » qu’on peut dire enfin ouf !, à la place d’Ulysse, ouf enfin chez soi. Et bien permettez moi d’en douter de cette histoire là car cela ressemble beaucoup trop à une histoire à l’eau de rose, le poète se moque gentiment de nous.

Une fois la lourde porte du 15bis s’est ouverte, je ne sais comment, alors que j’avais l’habitude de la trouver fermée. Je suis donc entré et dans le couloir j’ai bien reconnu les deux glaces, on ne disait pas encore miroir à cette époque, celle de ma toute petite enfance, et dans l’une de ces glaces j’ai vu un type hagard, mal rasé aux yeux cernés et vieux déjà au moins 35 ans au jugé. J’ai sursauté. Puis j’ai compris c’était moi évidemment. J’ai été très déçu car j’étais parti pour apercevoir un enfant, enfin moi enfant. Du coup j’ai renoncé à progresser plus loin, je n’ai pas ouvert la porte vitrée où probablement je n’aurais pas retrouvé les Gassion, les concierges si gentils qui me gardaient en me faisant écouter du Charles Aznavour à tue tête. Je n’ai pas voulu en voir plus et je suis ressorti presque aussitôt.

Je pensais que j’allais être triste en atteignant la rue Dombasle et en m’apercevant qu’il n’y avait plus le distributeur de Bubble gum., Mais non au contraire d’un seul coup je me suis senti tout à fait léger , j’ai même accéléré le pas pour me rendre jusqu’à la Convention et encore plus loin. Cependant, je ne suis pas retourné rue Jobbé Duval je n’ai absolument rien à faire dans la rue Jobbé Duval, je ne me réveille plus devant le 15bis de la rue Jobbe Duval ouf

Par contre je reviens parfois au 35 rue des poissonniers à Paris dans le 18ème arrondissement tout près du métro Château Rouge. Combien de fois y suis-je retourné depuis que je n’y habite plus, 5 ou 6 fois en tout et à chaque fois comme c’est étrange j’ai cette impression bizarre de retraverser une frontière magique, je marche comme un somnambule et je ne me réveille que lorsque je me retrouve face à la porte du 35 rue des poissonniers. Je crois que je suis chez moi oui mais voilà ce n’est plus le cas.

A propos de Patrick B.

https://ledibbouk.net ( en chantier perpétuel)

4 commentaires à propos de “#40jours #18 | Et à chaque fois c’est la même chose.”

    • Merci pour le commentaire et lien pas beaucoup de temps j’essaie de grappiller par ci par là pour lire mais je sais déjà que ce ne sera pas possible d’autant que la moindre lecture m’emporte dans l’égarement je suis tout à fait servi en ce moment mais c’est tellement « moteur »… je ne me plains pas

      • Tout est conçu dans cet Atelier pour déboussoler. Ne reste qu’une possibilité, planter son encre quelque part au large de la ville. Ne reste qu’à choisir le port d’attache. C’est facile finalement. Vous avez certainement des amers (maritimes) autour de vous ou dans la tête.

  1. Tout est conçu dans cet Atelier pour déboussoler. Ne reste qu’une possibilité, planter son encre quelque part au large de la ville. Ne reste qu’à choisir le port d’attache. C’est facile finalement. Vous avez certainement des amers (maritimes) autour de vous ou dans la tête.