Elle n’a pas eu le temps de travailler. Il s’est mis avec elle dès qu’il a été laissé pour un plus riche. Elle passe de longues heures au bar à côté de lui, qui est là tout le jour, son travail est d’attendre. Elle est tout de suite restée grosse de lui. Il a déjà un fils dont il ne s’occupe pas. Après la dernière rafle, elle a commencé à faire les livraisons. On n’arrête pas une femme enceinte.
Pas de pause admise pour la perfection. Ongles, ventre plat, peau lisse, maquillage : rien en défaut. Rien d’autre que sourires, moues, regards papillonnants. Elle doit attirer sans aguicher : équilibre instable, escarpins pointus. Elle est au service du produit. Aujourd’hui, les crèmes. Un jour, peut-être, les téléphones. Si seulement les voitures de luxe. Le soir, presque la même chose avec les hommes. Et l’espoir stupide d’en trouver un à garder.
C’est la seule parmi les hommes. Elle est toujours au balayage, jamais au ramassage des ordures, encore moins à la permanence de la décharge. Elle n’a pas de voiture. Elle ne va pas au dépôt, travaille près de chez elle, toujours seule. Sa voix est basse. Elle est du village. Hors moi, étranger, je n’ai vu personne la saluer. Son regard se lève alors du sol : il est très clair.
émouvantes dans leur détresse
merci!