Derrière son guichet, dans le courant d’air de la porte battante du supermarché, l’étroitesse de sa caisse, elle garde le sourire malgré l’inconfort de son fauteuil, les plaisanteries misogynes des clients, la mauvaise humeur des habitués qui ne trouvent jamais rien en rayon, qui se plaignent de la constante hausse des prix, du mauvais temps, du masque qu’il faut sans cesse remonter sur son visage, des étudiants de l’école de communication d’à-côté qui font la queue le midi en parlant fort, pour acheter chips et Coca, les réflexions de son patron sans arrêt sur son dos.
Elle habite à Pontoise. Elle vient travailler en train. Elle commence à travailler à 8h. Elle prend un café à 11h accompagné d’un petit gâteau, son petit-déjeuner est loin désormais et elle ne mange pas avant 13h. Elle est obligée de faire sa pause dans le quartier. Elle ne peut pas rentrer manger chez elle, c’est trop loin. Elle a un nouveau créneau de travail de deux heures l’après-midi qui l’oblige à rester à proximité. Quand il fait beau elle va parfois manger au parc à côté de la bibliothèque. Sinon, elle profite de sa pause pour faire du sport dans une salle de gym, pour garder la ligne, dit-elle avec un léger sourire, en prenant la ligne 2 du métro, à trois stations de là.
Elle travaille dans un salon de coiffure, toute la journée debout. Au-dessus des têtes et des cheveux de ses clientes bavardes et exigeantes. Ses mains répètent quotidiennement les mêmes gestes, ses doigts et ses épaules en souffrent. Le midi c’est à peine si elle a le temps de manger sur le pouce, dans l’arrière boutique, une barquette de carottes ou une salade en boite. En rentrant chez elle le soir, elle les sort de son sac sans y avoir touché, les carottes ont cuit dans la vinaigrette, imprégnant de jus le carton. Ces crudités ont pris l’odeur de la laque du salon. Son fils aime ce goût étrange et, solidaire de sa mère, les mange au repas de soir.
Trois beaux portraits de femmes qui travaillent !
Merci Philippe.
Merci beaucoup Philippe. Comme dans la proposition « celle qui, celui qui », je me suis rendu que cet inventaire de ces femmes qui travaillent faisait surgir de ma mémoire des travailleuses croisées récemment et d’autres par le passé et qui sait, d’autres en inventeront peut-être même certaines.
Des portraits pleins en peu de mots. Juste l’essentiel. Vraiment, bravo !
Merci beaucoup Nolwenn, c’est parfois une bonne chose d’être contraint dans la taille et le nombre de textes, ça permet d’aller plus facilement à l’essentiel.
Le titre à lui seul me plait. Les portraits racontent.
Merci Marie-Thérèse, le titre est venu en terminant le texte, je leur devais bien ça à ces femmes exemplaires !