« Maman, pourquoi Koumba elle a des collants marrons ? » La blouse blanche est comme chevillée au corps, même quand il fait 30 degrés dans la crèche. Une fois seulement je l’ai vue dans une robe en wax à la fin de son service, j’allais chercher un fond de brocolis en rab, elle repliait avec beaucoup de minutie la blouse pour la placer dans la panière à linge, ça m’a étonnée cette lenteur. La trésorière de l’asso m’a dit que ses cinq enfants étaient au Mali.
« Madame, puis-je vous aider à faire un choix ? » Dans l’air empuanti de tous les parfums mêlés, Kenza sourit, et n’hésite jamais à solliciter sa responsable. Elle n’hésite jamais à donner l’impression que sa présence compte pour un quelque chose très proche du rien.
« Et maintenant, la remise des prix ! » Au moment exact où les applaudissements explosent en un feu nourri, Karen entre, le plateau chargé des coupes. Elle rougit, confuse, se concentre vers la table, affermit la rythmique de ses talons et resserre les doigts autour des anses afin qu’elles lui entrent dans les doigts. La douleur permet de focaliser sa pensée : poser le plateau, poser le plateau à tout prix sans trébucher. Elle ressort de scène en regardant ses pieds, soudain voûtée, vieillie, déjà disparue.
Merci pour ces rencontres !
C’est très fort… et ce dernier pan de vie me rappelle soudain un passage de Flaubert, la description de Catherine Le Roux dans Madame Bovary… Merci beaucoup Sophie !
Merci à vous, Cécile et Françoise, de vos mots qui regaillardissent 🙂