Elle écarte les jambes. Elle entend ses gémissements au loin. La porte se ferme et ouvre au silence des arbres qui autour chuchotent les étoiles. Elle s’essuie prend son carnet ses comptes précis détaillés corps décrits une colonne pour les prénoms. Son corps se détend jusque demain elle arrange autour d’elle autrement les objets son lieu intime tient à cette boule à neige déplacée une maison fenêtre huisseries bleues à cette lampe allumée uniquement lorsqu’elle est accompagnée de sa solitude pied en bronze ouvragé courbures son corps sa lumière intérieure.
Personne ne sait aussi bien qu’elle lire les mots des corps qui passent s’arrêtent là se vident là. Elle tient son chariot eaux savonneuses produits d’entretiens alignés selon son ordre balais serpillère accrochés sur le côté lavettes-éponges à chaque couleur sa fonction elle sait que personne ne la voit parfois un sourire rare peu importe elle sait qui laissera les lieux propres qui s’amusera de la savoir passer derrière qui croit que salir c’est dominer elle sait pourtant qu’à chaque visage croisé son savoir du monde grandit elle les lit.
A plat lignes dessinées qu’elle plie dans un geste cadencé quatre-vingt-dix en trente minutes son record devenu objectif imposé par la ligne les cartons expulsés du ventre de la machine en amont en aval des caisses se remplissent non d’autres comme elle les remplissent rien ne se fait tout est fait par des corps comme elle des corps droits et debout les postures préventives rabâchées il ne faudra pas vous plaindre si un jour et ses gestes assurés elle chorégraphe elle voudrait danser mais elle plie elle ploie et tient.
Trois très forts portraits de femmes.
Merci !
Cette proposition #17 est foisonnante! Une sacrée galerie d’héroïnes va en sortir, j’adore. Merci encore pour ta lecture 🙂
Oui, elles sortent de l’anonymat sans concession, juste pour mieux DIRE, leurs conditions de vie sans pathos, uniquement des faits et des renoncements invisibles à une certaine sérénité.