L’idée de l’atelier lui est venue à la mort du deuxième. Cinq fois elle a donné vie, trois fois l’enfant est mort. Mourir jeune à cette époque c’était normal, dit-on. J. avait écrit un beau texte mais de sa détresse à elle, pas un mot. Elle ne voulait plus d’enfant, de vie en deuil. Mais bien sûr, G. est née. A cette époque ! Morte à quinze ans. Elle ne sera plus seulement mère, elle aura un lieu à elle, un métier au nom qui claque.
Elle est venue s’installer ici à la demande de son voyageur. A peine arrivée, il est parti là-bas, dans son pays à elle. Elle vit seule dans une petite maison loin de la ville, méprisée par la famille du voyageur, au rythme de ses rares visites, de ses lettres, de l’argent que lui apporte P. Ils ont eu trois garçons, le dernier est mort tout jeune, il ne l’a pas vu naitre, il ne l’a pas vu mourir. La sœur du voyageur les traite de bâtards papistes.
Elle a mis des granulés dans des bocaux, elle a marché des kilomètres sous la pluie pour rejoindre un bureau insipide. Elle aimait Léo Ferré, Baudelaire. Elle s’est mariée, le temps de faire un enfant, l’homme emporté par la guerre, peut-être. Pour nourrir l’enfant : les bocaux, le travail ridicule, l’amour, toute une vie pour lui, personne d’autre. Un jour l’enfant, bien grand déjà, est mort. Avant elle.
Tellement de morts autour de ces femmes. Mais elles avancent encore, toujours. Merci Bernard
Oui, ça meurt beaucoup, les hommes et les enfants surtout, les femmes leur survivent. Merci.