Elle est debout toute la journée, son arme en main. Elle cause pour couvrir les bruits continus de souffle chaud sur cheveux. La mécanique répétitive des gestes lui colle au corps. Elle a dans les bras la mémoire qui tremble. Au fond de ses pensées, la liste des courses, un œil sur l’horloge pour ne pas oublier l’heure d’aller chercher la petite . Elle jongle entre les colos et les ciseaux, elle remercie, elle complimente, elle encaisse.
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Vous êtes une caisse ? On lui demande dix fois par jour. Elle a pourtant des seins, une tête, un cou sur des épaules et deux bras. Elle ne la ramène même pas avec son nombril. Derrière le comptoir, le bas du corps a disparu mais vous êtes une caisse, franchement. Sa vie de questions en injonctions : où se trouve la, vous avez en stock des, on peut commander une, c’est possible de, vous reprenez les, appelez-moi le directeur.
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Elle tend la main, l’enfant accroché à son bras, elle répète un litanie plaintive, le gobelet posé devant ses genoux. Elle est assise par terre. On lui a dit de confier son petit à des étrangères durant la journée mais c’est au-dessus de ses forces. C’est elle, la maman, greffée à son enfant animal. Elle a un monde de survies dans le corps. Même les montagnes se sont inclinées devant sa dignité.