Elle se force à simplifier ses explications pour que les écoliers retiennent quelque chose de leur visite au musée. Elle répète : « Reculez, vous verrez mieux ». Elle sait leur faire aimer les objets qu’elle leur montre, elle leur dit une infime partie de ce qu’elle sait. « Ne touchez pas aux vitrines ». Elle se demande si c’est à cause d’une sortie scolaire qu’elle a fait ensuite huit ans d’études sur le sujet. Ils repartent ravis. Demain, avant d’accueillir une autre classe, elle posera ses affaires dans une des consignes prévues pour les visiteurs. Elle a abandonné l’espoir qu’on lui donne un bureau. Elle continue régulièrement de réclamer un casier.
Elle signe un contrat pour un mois. Le suivant, elle ne travaillera pas. Puis elle sera convoquée par la DRH de la Ville pour en signer un nouveau. Et ainsi de suite pour ne pas l’embaucher. Pour la même raison, c’est un contrat à temps non complet. La femme à la DRH a toujours des talons aiguilles, des robes moulantes, une peau flétrie de soleil, des cheveux pendants. Tous les deux mois, on dirait qu’elle la voit pour la première fois. Sans poste fixe, elle n’existe pas. En sortant de l’ascenseur, elle lit le texto d’un autre patron. Elle accepte une autre mission. Encore un week-end sans repos. Le plus souvent, elle fait ses courses aux heures creuses. On lui dit : chance. Elle dit : précarité.
Elle poursuit un cursus universitaire. Elle a coutume d’être félicitée pour ses bons résultats. Au pair à l’étranger pour apprendre la langue, elle amène l’enfant jouer chez sa cousine. Non seulement les parents de la fillette ne manifestent aucun intérêt à la raison de sa présence dans leur ville, mais on la fait attendre à la cuisine. Même dans sa propre langue, elle ne savait pas jusqu’à ce moment-là ce que voulait dire « domestique ».
c asier précarité domestique : trois mots qui claquent. Merci
très parlant, très réussi. Pas la misère mais la précarité au service des autres.