Je ne me suis jamais laissée écrire la ville. Je passe chaque année des mois dans des villes. Nairobi, Delhi, et tant d’autres. Les mots qui m’arrivent sont les histoires des autres. Je travaille sur les villes et j’écris pendant qu’ils parlent. On entre avec chaque personne rencontrée dans des histoires souvent difficiles. On entre dans le pourquoi de ce qui moi m’étonne mais qui lui ne l’étonne pas. Qu’est-ce que c’est de vivre là, de me dire parfois la peur, la solitude. De me montrer l’hésitation dans la voix ou le rejet de me voir là. Ou la simple insignifiance qui t’oblige à retrouver vite très vite ce que tu fais là. Je cherche en permanence à m’assurer du pourquoi je suis là. D’entrer dans des questions d’argent, d’anticipations, de calculs, de tactiques face à la ville ou ce qu’elle sera. De venir toujours préparée. Les questions posées montrent à l’autre les points de risques. Il doit y avoir dans ces moments-là un oubli de soi. Il faut toujours un peu de force quand face à l’autre on demande de nous dire et encore de nous dire. Je ne veux pas écrire la ville là-bas. Il y a quelque chose qui se joue avec soi, la liberté que je ne prends pas. Ou je ne veux pas écrire sur leurs histoires. Ce n’est pas eux que je veux voir. Je veux écrire la ville là où je ne verrai plus la ville. L’hôtel là en Pologne. L’aéroport de ce dimanche. Chez moi. Là où je peux partir dans mes histoires. Là où les gens passent et ne me voient pas. Là où peut être je suis moi. Me plier et ne plus voir.
Plein d’interrogations, de doutes, de boucles réflexives. Pour « me plier et ne plus voir ». Joli chant. Merci.
merci à vous pour la lecture et ce petit repère sur le chant
hier soir en me lisant mon Saint-Simon me disais que ce serait bien une proposition uniquement sur l’usage négation et double négation… Dziękuję !
« Ce n’est pas eux que je veux voir. Je veux écrire la ville là où je ne verrai plus la ville. L’hôtel là en Pologne. L’aéroport de ce dimanche. Chez moi. Là où je peux partir dans mes histoires. Là où les gens passent et ne me voient pas. Là où peut être je suis moi. Me plier et ne plus voir. » Sauver sa peau dans la ville , s’incarner pour de bon en la quittant. Légitime avance sur le droit d’exister ? Ce texte interroge sur la frontière entre soi et les autres, la place qu’on peut leur accorder pour ne pas s’engloutir dans leurs histoires, ne pas les déranger non plus, circuler pour n’avoir rien à voir… C’est une option, ou une étape. Merci pour votre reflexion sur le sujet.
merci beaucoup (de nouveau) pour votre lecture très juste