je vois la ville déchirée tout ce qui fait la ville est déchiré tout est déchiré comme les rues déchirées les immeubles déchirés les odeurs déchirées les gens déchirés les merdes de chien déchirées les amours déchirés les plaques d’égout les passages piétons les feux tricolores les boites à lettres déchirés déchirés déchirés l’affiche déchirée dont on ne voit plus les visages dont ne sent plus les couleurs dont on n’entend plus le message l’affiche déchirée dans la ville déchirée que regardent les passants déchirés les passants dont on ne voit plus les visages dont ne sent plus les couleurs dont on n’entend plus le message parce qu’ils sont déchirés dans un tumulte de pensées elles aussi déchirées au coeur d’une ville entière unie unique mais déchirée comme ce couple qui se déchire de mots durs de mots violents de mots déchirants comme ces chiens qui se déchirent un morceau de viande comme ces regards qui se croisent qui s’affrontent qui se battent parce qu’ils se déchirent comme la nuit dans laquelle retentit la sirène des pompiers la sirène des policiers la sirène des ambulanciers la sirène qui déchire la nuit au devant de la mort qui déchire les vies des gens des hommes des femmes des enfants des chats des pigeons des rats déchirés par la violence déchirés par la nuit déchirés par la ville déchirés comme moi qui n’ai plus de visage qui n’ai plus de couleurs qui n’ai plus de message déchiré d’avoir trop bu déchiré d’avoir trop vu déchiré d’avoir trop lu déchiré comme tous les gens qui habitent cette ville déchirée de bonheur déchirée de malheur déchirée de vie ces gens déchirés de voir leur enfance déchirée déchirés de voir la mort déchirer les autres les déchirer eux déchirer tout le monde déchirer en petits morceaux toute la ville qui n’est plus qu’un tas de petits morceaux déchirés un tas de petit morceaux déchirés de la ville que je ne reconnais plus parce qu’elle est déchirée parce que je suis déchiré parce que tout est déchiré d’avoir été déchiré d’avoir déchiré déchiré déchiré
Haletant ! je n’ai pas lu la consigne (très en retard) mais voilà un texte violent et beau !
Merci Muriel. Écriture fatigante. Ou fatiguée.
Puissant! Je reconnais la Ville, transfigurée, au delà de sa transfiguration, notre Vile plein de sirènes, dans sa déchirure. Et j’ai lu le texte sans ‘déchiré’ et… encore plus puissant!
C’est vrai. Sans lire le mot « déchiré », le texte prend une autre force. Merci.
formidablement déchiré déchirant
Merci Nathalie.
Très réussi, ce maelstrom de déchirures !
Merci JLuc !!
Merci Fil. Chercher, ensuite, à recoller les morceaux.
c’est lancinant comme une parole prêtresse qui t’enveloppe
t’enveloppe et t’élève – cette ascension, ce sang-là
Merci Françoise. Et puis se poser et avoir envie de recoller les morceaux.