Je n’ai pas toujours été tranquille. Aujourd’hui dans la maison l’air est calme. Je me tiens debout dans le cylindre, et circule autour de moi une substance inconnue. Seul le souffle intermittent des voitures sur la rue devant la maison. Ce n’est ni de l’air, ni de l’eau. Peut-être qu’il y a un bruissement dans le feuillage d’un arbre, au loin. Ça se respire pourtant, sans difficulté. Un peu de vent. C’est le contenu du cylindre. J’entends les bruits du dehors. C’est moi, et ce n’est pas moi, dans le cylindre. Je suis en contact avec le monde. Dans le cylindre, il y a un espace entre le monde et moi. J’entends ton souffle endormi dans le canapé. C’est cela qui est tranquille aujourd’hui. Dans le cylindre, mon corps est en contact avec de la paix autour de lui. Le cylindre est rempli d’un sérum composé de moi-même et du monde, mélangés ensemble. Un chat miaule. Pourtant le monde est en guerre, comme toujours et peut-être davantage. Je suis reliée au dehors. Avec cet espace autour de mon corps, je respire, c’est calme, et pas par les poumons. Les criaillements des pies dans le cerisier. Mon corps respire le sérum qui rejoint mon corps et le monde. Ce bruit d’accident quand un camion franchit un peu vite le dos d’âne. Je ne sursaute pas, je suis dans le cylindre, protégée du monde par l’espace intermédiaire. La fille de la voisine pousse des cris joyeux, à la fois proches et lointains. J’ai pour moi cet espace entre le monde et mon corps. Un bus passe avec son moteur chuintant. Ça n’a pas toujours été le cas. Un roucoulement. Avant il n’y avait pas cet espace. Ton souffle, presque un ronflement. Avant, mon corps était en prise directe avec le monde. Je sais que tu es dans le canapé mais je ne te vois pas. Chaque événement me traversait directement. La sirène d’un véhicule, son cri strident. Aujourd’hui dans la maison l’air est calme. Je me tiens debout dans le cylindre et circule autour de moi une substance inconnue. Seul le souffle intermittent des voitures sur la rue devant la maison.