C’est une longue course de fin de journée, avec un point intermédiaire, celle qu’on aime parce qu’elle n’oblige pas à s’arrêter fréquemment comme dans une tournée, celle qu’on craint avec la fatigue et la difficulté à évaluer le temps. Je traverse la ville, littéralement, partant d’un côté du Rhône au sud-est et devant joindre l’autre côté de la Saône au nord-ouest en passant par le centre ; j’arrive à l’hôtel de ville, en danseuse, sûrement. C’est un endroit névralgique où il faut redoubler de prudence : si la route est large, les bus accordéon balaient le prochain virage à angle droit, les piétons sortent du métro et traversent allègrement, les trajectoires sont peu prévisibles. Une petite foule est debout dans l’abribus. Les personnes assises soulèvent leurs genoux, les silhouettes piétinent et s’approchent du bord de trottoir surélevé, des gestes de mains sont ébauchés, les postures et les regards se tournent dans ma direction. Sensation d’avoir un public. Il ne me voit pourtant pas vraiment, les yeux scrutent plutôt le numéro du bus qui me talonne. Dans cet amas je reconnais le visage d’une voisine croisée et saluée parfois dans mon immeuble, me reconnaît-elle où reconnaît-elle son bus elle-aussi ? je passe l’abri sans dire bonjour. Cette question s’évanouit, je tourne à gauche, relance ; l’espace bientôt s’ouvre sur la place des Terreaux, je regarde les caténaires des bus électriques. Ils cisaillent le ciel bleu et me guident un instant.
et après, la Croix-Rousse?
Ensuite, pont, les quais de Saône, piste cyclable puis route, une courte trémie où il faut faire attention au creux d’une plaque d’égout (ou autre), Vaise, et peut-être le point d’arrivée dans les bas des Mont-d’Or. C’était vers 2006, avant le tunnel mode doux. Cela a un peu changé depuis ! Incroyable comme on garde les cartes mentales, à quelques approximations près.