Il rentre du boulot. Il sort du métro. La place est animée. Les terrasses sont pleines. Des tablées d’étudiantes et d’étudiants commencent les premières pintes de bière. Des mères – quelques pères – papotent devant un verre de blanc avec les enfants sortis de l’école qui mangent une glace ou un croissant autour des tables, prolongeant la récréation. Des amis sortis du boulot comme lui parlent du match, des élections, et de n’importe quel sujet permettant d’alterner plaisanteries et sérieux du propos. Lui, il marche. Il a l’impression de ne pas reconnaître le quartier. Il va marcher longtemps ce soir-là, sans rentrer, perdu chez lui, dans cette zone de la ville qu’il aime et dont il connait chaque recoin, chaque traboule, chaque histoire de chaque bâtiment, sans savoir quoi faire. Parfois, il s’arrête, regarde autour de lui, ou bien devant une boutique, le traiteur, la boulangerie, le fromager. Il n’y entre pas. Il a l’impression de ne pas savoir ce qu’il pourrait faire s’il franchissait la porte, comme s’il avait aussi perdu sa langue, les mots de sa propre langue. Bonjour, je voudrais une baguette tradition s’il-vous-plaît, ça ne vient pas. Il regarde les gens entrer et sortir de la boulangerie. Il reste dehors. Puis se met à marcher, sac à dos à l’épaule. Il sait exactement où est son appartement. Il s’en approche, s’en éloigne, tourne, erre. L’égarement n’est pas géographique. Il se demande où il est, dans sa vie, ce qu’il fait, là, à ne reconnaître le sens de rien.
Ils parlent du match et doivent lire l Équipe aussi? Beau texte ..dans les traboules..
L’égarement n’est pas géographique…
Belle idée !
Merci pour ce texte sensible.