Elle, la petite quarantaine, brune peau lisse et bronzée, un tapis de yoga en bandoulière, une combinaison de coton brodée d’un vert vif, des sandales en nubuck au pied. Le magasin bio est très calme à cette heure. Elle a acheté trois bricoles, se dirige vers la caisse, se ravise, laisse son panier pour aller chercher une salade de lentilles au tofu dans les armoires réfrigérés. La caissière en attendant son retour passe tranquillement les articles en caisse. Elle revient, hésite à repartir encore, marmonne, agacée, fait un pas, n’ose pas, s’en veut de ne pas oser, s’en veut de n’être pas cette femme belle, détendue, qui fait ses courses en en pleine conscience. « Vous auriez pu mettre les course dans un sac, cela nous aurez fait gagner du temps », lance-t- elle à la caissière.
Lui, à la sortie de la voie rapide de Saint Lambert. Il fait chaud rouge sous l’échangeur. Il se tient à côté du feu de signalisation et titube, crasseux et muet. Il tend un gobelet de papier format expresso aux automobilistes. Ses yeux ne demandent rien et il se tient trop loin des voitures pour que les conducteurs pressés, puissent lui donner la pièce avant de démarrer. Il porte un bonnet de père Noel.
L’enfant, brun, yeux amande, peau laiteuse et dents de lait. Il se tortille dans tous les sens dans sa poussette et tapote avec furie sur un téléphone portable. Des jingles ultra courts s’enchaînent : ritournelle, décollage de fusée, rires, notes de synthétiseurs, friture radio, voix robots, bruit de tôle, murmure de l’eau. Une musique folle, concrète qui déclenche à toute vitesse des cris, des hurlements et des sourires furtifs.