Tous les jours sur son fauteuil roulant il regarde la mer, sous la pluie le vent le soleil. Seul l’habillement diffère dans ses formes et ses épaisseurs non dans sa couleur toujours grise. Sous son chapeau de pluie ou de soleil il ne parle jamais à quiconque. En se plaçant dans le même axe que lui derrière lui la cible précise de son attention surgit. La mer, le phare simple décor, seule une grue Applevage hors-service à l’horizon capture son regard. Elle est vétuste, restaurée, confinée dans le patrimoine du XXe siècle. Mais lui il sait, son père la conduisait le premier jour de sa mise en service en 1937. Puis il est mort au front pendant la guerre. Lui n’avait que dix ans.
Elle vit à la périphérie de la ville près de la mer. Elle fuit le bruit depuis toujours. Elle n’en crée pas non plus en tout cas le moins possible dans l’appartement qu’elle occupe. Ses voisins se demandent souvent si elle est absente. Elle fait silence pour apporter son attention amoureuse à la polyphonie qui résonne dans la nature même restreinte ici, en métamorphosant le chaos sonore à certaines heures, ainsi dès qu’elle le peut, elle se sent pareille à la mer, à l’air, au chant des oiseaux, à tout ce qui vibre et tremble.
Personne ne comprend. Il avait décidé de mourir. Il n’avait plus le goût de vivre. Il avait fait la liste de toutes ses incapacités, ses enfants viennent de la retrouver sur sa table de nuit. Ses meilleurs amis avaient disparu. Marc, c’était la semaine dernière. Sa compagne décédée depuis longtemps. Ses enfants très occupés. Alors en pleine conscience après l’envoi d’un message à l’ultime minute à ses proches il a avalé ses cachets presque en souriant. Je le comprends.