Tout a changé vite, je ne reconnais plus rien. Chaque fois que j’ai rendez-vous dans la ville,
Tout a changé vite, je ne reconnais plus rien. Chaque fois que j’ai rendez-vous dans la ville, ma ville, celle où j’ai vécu depuis mon époque étudiante, je prends le tram. Les lignes sont reconnaissables grâce à des voitures de couleurs différentes, des voitures décorées par un créateur célèbre. Au moins, on ne se perd pas. Le paysage s’est profondément transformé le long des voies, immeubles poussés en tous sens, panneaux publicitaires, plateformes bétonnées pour accueillir les flux de passagers, on ne reconnaît plus rien ou pas grand chose.
Station La Condamine. Traverser la voie à même les rails pour atteindre la rampe descendante. Haut talus herbeux, en chantier partout, véhicules garés en vrac, et même sur des zones de gravillons et de gravats. Organisation plus que chaotique. On accède aux bâtiments commerciaux par l’arrière, en faire le tour pour les reconnaître, c’est déstabilisant. Le genre de lieu où la ville tente de repousser ses frontières en installant de nouveaux immeubles pour habiter, rognant les dernières zones de friche.
Station Rondelet. Ai perdu mes repères habituels. Quelque chose de l’organisation connue et reconnue s’est dissoute, remaniements de l’ensemble du quartier conduisant à une répartition différente des passages. La rue ne semble fréquentée que par les usagers du tram, et sans doute n’est-elle plus connue que pour cela. Centre de tri postal visible par le côté. Immeubles anciens offrant leur dos avec ou sans graffiti. D’après le plan, il suffit de longer la voie pour atteindre la gare en allant vers le nord-est – pas besoin de boussole, les rails indiquent la direction. C’est ce que j’ai dit à un jeune homme en l’y déposant suite à un arrivée tardive à l’aéroport à cause d’une tempête. Il venait participer à un congrès de botanique et avait un hôtel réservé dans ce quartier.
Station Corum. Zone de transit au pied du théâtre en forme de paquebot. Très chargé en voyageurs et en voitures. Trois lignes se croisent, 1, 2 et 4, autrement dit bleu orange et noir, noir orange et bleu, comme on veut. Direction Université, direction route de Nîmes, tour de la cité. La voie a été tracée aux limites de la ville ancienne, le boulevard Louis Blanc vidé de sa substance vivante, peu fréquentable la nuit. Habitant longtemps un quartier proche, j’avais coutume d’y passer, de faire mes photocopies, de manger chez Prosper, de monter la rue de la cathédrale pour rejoindre le centre. L’artère privée d’âmes et de commerces s’invente lentement une nouvelle existence.
Station Corum. Zone de transit au pied du théâtre en forme de paquebot chargée en voyageurs et en voitures. Trois lignes se croisent, 1, 2 et 4, autrement dit bleu orange et noir, noir orange et bleu.
Codicille : il faudrait continuer à explorer la ligne (la ligne de tram), continuer le texte... le temps manque ! à la prochaine virée en ville, j'irai peut-être jusqu'au terminus...
De station en station. D’évocation en évocation. On se réjouit de cette balade lacunaire mais tellement riche.
Merci Françoise !
PS : superbes illustrations typographiques !
cher Fil, tu déroules la ligne avec moi…
merci pour ton accompagnement
on prend le tram ensemble la prochaine fois si tu veux…
Déambulation dans les stations et très jolie idée ce style d’écriture, ces lettres qui s’emmêlent, merci Françoise.
je voulais signifier graphiquement la désorganisation ou réorganisation de la ville dans ses extensions, comme tout se brouille, les limites ne sont plus des limites, flou des quartiers, terrains vagues aussi dans les paragraphes du texte !
merci pour ton passage
Bouleversements du paysage qui nous font perdre nos repères dans la ville et surtout en nous. Sorte de vertige. J’ai beaucoup aimé, Françoise !
j’ai fait juste avec des souvenirs, j’aurais aimé refaire le trajet en vrai avant d’écrire…
mais on dirait que ça fonctionne quand même !
merci Helena pour ta fidélité