Ça se passe dans les caves, sous le sol. Il faut prendre un escalier, étroit ou humide, ou peu éclairé ou peu importe, il faut prendre un escalier. La première fois, on est introduit ou bien on s’y rend sur les indications d’une amie. On sait qu’il faut descendre, on ne sait pas toujours depuis où. Vers où se diriger pour trouver l’accès sans montrer que c’est la première fois? C’est l’underground, pas le métro, la culture, les plaisirs secrets que les descentes de police viennent interrompre. On le sait mais on y va quand même, sachant aussi qu’on y est coincé, fait comme un rat si jamais. On descend aux heures indues vers les sourires, les musiques, les danses, les corps en joie, les jouissances rapides et collectives. On descend aussi vers d’autres caves, peu éclairées, écrasantes de silence ou parfois passent les rats, dont on sait cette fois qu’elles garderont les paroles échangées à voix basses, visage grave, regard préoccupé et dont on sortira précautionneusement. Peut-être même descendra-t-on dans d’autres lieux faits pour que les cris déchirants des corps suppliciés restent sous le sol, et que cette fois, on y restera, ou qu’on en sortira les pieds devant, la tête tapant sur les marches, à moins d’être du côté de ceux qui torturent et tuent, jusqu’à ce que ce soit leur tour, quand la roue, précisément aura tourné. Ça se passe enfin depuis chez soi, quand l’internet devient profond où l’on descend quand même. L’underground est virtuel, l’interdit visuel. Mais on descend encore, là où les tripes se tordent simplement d’y aller, d’oser cliquer, d’un simple mouvement de l’index sur une souris ou un clavier, sachant que l’on va descendre loin, bien plus loin qu’on n’est jamais allé, que ce que l’on va voir ou entendre on ne l’a encore jamais vu, ni entendu. Et on comprend alors qu’on est descendu là où est le mal.
Implacable. Complètement descendue. Merci .
Merci Nathalie
Trop fort, superbe texte épuré avec tout l’imaginaire que portent les mots choisis par l’auteur. Très beau. Merci.
Merci Anne
Je ne pensais pas que ce court texte produise de tels effets 😉
« On comprend alors » Oui et à chaque étage. Merci Philippe
Quel texte !