L’apnée cette volonté de ne plus respirer. Pourquoi ne plus respirer, c’est idiot, mais pourtant cela peut-être nécessaire. Inspirez, soufflez, inspirez, soufflez, inspirez, soufflez. On plonge. La porte d’accès aux caves est peinte en vert foncé, elle est tellement usée qu’elle est presque noire. Une fois la porte ouverte, à ma gauche il y a un interrupteur en porcelaine, il allume dans le couloir une ampoule en bas de l’escalier, je la vois d’où je suis. Le sol de l’escalier est en pierre grise et abîmée par l’usure, les murs sont en meulière noirâtre, la meulière c’est une pierre étrange, elle comporte des trous à sa surface, des trous à bestiole. Sur ces parois, lavis de gris foncé et noir, dans les angles faits par les murs et le plafond grisâtre, il y a des toiles d’araignées épaisses, les fils des toiles ont aggloméré de la poussière noire. Maintenant il faut descendre. Je descends doucement, je regarde surtout le plafond, je crois que le plus inquiétant ce sont les choses qui vous tombent dessus, le petit choc dans les cheveux, suivi d’un mouvement de reptation, ce qui est au sol pourrait grimper sur vos jambes, mais le déplacement de celle-ci vous protège, un peu. Je suis au bas de l’escalier, je dois aller à gauche, je vois le couloir en terre battue marron clair, les portes des caves en bois pourris, je sens cette odeur de moisi et de poussière mélangée, j’avance, la porte est là, j’ouvre le cadenas, la porte s’ouvre en frottant sur le chambranle, à ma droite il y a un interrupteur, je le sais, pour l’activer je dois m’avancer un peu, juste un pas, après je n’aurais qu’a me tourner légèrement et je pourrais allumer, mais je ne sais pas si ce que je redoute le plus c’est le noir ou ce que je verrai à la lumière de l’ampoule électrique jaune. Je retiens ma respiration. J’allume. Je suis dans le sous-sol d’un pavillon, ce n’est pas une cave, juste un sous-sol, éclairé par des vasistas, rien d’impressionnant, les murs sont en agglo brut, le sol du béton. La chaudière est en panne, je suis seul dans cette maison isolée, j’essaie de relancer la machine. Et j’entends, là, au-dessus de moi, des pas. Je ne bouge plus. Je retiens ma respiration, j’écoute attentivement, je relève le menton, je les ai entendus, j’en suis sûr. Je dois respirer. Je me suis sûrement trompé, j’appuie sur le bouton du brûleur et au moment où la flamme bleue apparaît, je sens une main sur mon épaule. Mon cœur essaie de sortir de ma poitrine, je me retourne et je suis sous l’eau, à cinq mètres de profondeur, c’est peu, mais suffisant pour baigner dans une lumière spectrale un jour de grand soleil. Devant moi, il y a la mer, cet écran d’eau opaque, je ne voie qu’à dix ou quinze mètres, après c’est l’inconnu, sous mes palmes, en bas, je n’aperçois pas le fond, juste une masse noire, je ne sais pas d’où viendra le monstre aux yeux noirs et sans vie, armé de dents féroces et pointues. L’eau fraîche me refroidit rapidement le corps, je sens mes calories qui partent en courant, mon corps comprend avant moi qu’ici ce n’est pas sa place. Je donne des coups de palme pour remonter, j’arrive à la surface, je respire une grande bouffée d’air chaud, le soleil m’éblouit en se réfractant sur les gouttes d’eau qui coulent sur mon masque. Je retourne vers le bord.
J’étais dans l’eau à la cinquieme propsition. Les chemins se croisent! 🙂