Pour sortir de la ville, il y a une route. À l’extrémité de cette route, se trouve une montagne. Sur les flancs de cette montagne, pousse une forêt. Au coeur de cette forêt, un sentier serpente. Au bout du sentier, se trouve une caverne. Et, très curieusement, au fond de cette caverne, il y a une lourde porte en fer.
Tu t’avances. Avec précaution. Tu tournes la poignée, tu joues des épaules pour la pousser et l’ouvrir. Il fait sombre. Pour entrer, il faut descendre une marche. Une grosse marche en pierre taillée. Tu t’abaisses, tu la regardes. Pas de doute, tu la connais cette marche. Tu la connais pour y avoir jouer aux billes dessus lorsque tu étais enfant. Elle se trouvait dans la maison de ta grand-mère. Il y a même la petite étoile que tu avais gravée avec un couteau. Tu la franchis. Tu descends.
Tu t’avances. Quelques pas plus loin, tu aperçois trois marches qui descendent. Elles sont faites de troncs de sapin coupés. Elles sont en tous points semblables à celles chez ton ami Jean, celles qui permettent de descendre de sa terrasse pour aller au bassin. Elles sont bordées des mêmes roseaux, des mêmes branches d’osier. Tu entends le filet d’eau de la source qui coule. Tu descends.
Tu t’avances. Tu es dans une grande salle. Au sol, des carreaux noirs et blancs avec des motifs géographiques. Chez l’oncle Pierre, il y avait un tapis persan à cet endroit. Tu cherches l’endroit. Tu le trouves, il y a un tapis persan posé sur le sol. La porte d’entrée est au fond à droite, tu le sais. Tu la rejoins. Elle est ouverte et derrière, se trouvent une quinzaine de marches qui permettent de descendre l’étage. Elles mènent à la rue. Elles ont le nez en bois verni et sont recouvertes de tomettes rouge. Tu y a glissé plus d’une fois lorsque tu étais enfant. Tu fais attention. Tu descends.
Tu t’avances. Tu es sur la grande esplanade de la gare. La ville s’offre à ton regard devant toi, elle t’invite à venir la rejoindre. Tu l’admires, tu la respires, tu la désires. Le port t’appelle. Une dame est en train de le monter avec son landau. Tu penses au Cuirassé Potemkine. Cet escalier t’a toujours fait pensé au film. Mais les soldats du tsar ne sont pas là. Tu t’approches, tu regardes les marches qui n’en finissent pas. Tu prends une grande bouffée d’air. Tu descends.
Tu t’avances. Tu es pris dans un mouvement de foule. Tu suis le mouvement, tu n’as pas d’autres choix. Les personnes avancent à petits pas. Tu avances à petits pas. Jusqu’au moment où tu sens le sol se mouvoir. Il t’entraîne. L’escalator te saisis et t’emmènes dans les entrailles du centre commercial. Tu reconnais le food court à Montréal où tu allais manger des ramen fumants quand la neige tombait dehors. Tu descends.
Tu t’avances. Tu portes un carton dans les bras dans lequel se trouve des affaires que tu avais amenées à ton bureau. C’est le jour où on t’a viré. Compression de personnel. L’occasion, pour toi, de décompresser. Dans les couloirs de l’Arche de la Défense, les ascenseurs ne sont jamais très loin. Au moment où tu arrives devant, la porte s’ouvre. Tu entres. Tu n’es pas le seul avec un carton dans les bras. Vous vous souriez. La porte de l’ascenseur se referme en jouant du carillon et tu glisses vers l’air libre quinze étages plus bas. Tu descends.
Tu t’avances. Tu es emmitouflé dans une doudoune technique spécialement conçue pour affronter les plus basses températures. Tu regardes le monde qui s’offre à toi. Tu es sur le plus haut sommet de la plus haute montagne. Tu t’assoies au bord de la falaise. Au fond, tout en bas, brillent des petites lumières.
Ce sont des étoiles.
Formidable cette façon de descendre dans la mémoire et d’y collecter des moments qui font vivre jusqu’aux étoiles. Beaucoup aimé l’avant dernier souvenir.
Déjà le titre surprend, et ça continue…