Se replonger dans le salon-salle à manger de l’appartement d’enfance et adolescence, tournoyer à 360° dans le sens des aiguilles d’une montre, commencer à gauche donc par le long buffet en bois teinté chêne foncé, environ un mètre trente de hauteur, nombre de portes à jamais dans le flou, moulin à café ancien à manivelle, lampe à pied en étain et abat-jour en vessie de porc ourlé de franges entre autres décorations, puis, entre la porte du hall d’entrée et celle du hall de nuit, une grande table rectangulaire, six chaises avec assise en paille, même bois teinté, nappe en toile cirée, sur le mur à droite de la porte du hall de nuit, une petite desserte à armature en métal chromé et tablettes en verre fumé supportant au-dessus un combiné tourne-disque, lecteur de cassettes et radio, au-dessous les enceintes acoustiques; continuer sa course vers un autre meuble semblant en chêne massif cette fois et dont les deux portes dissimulent la télé (la télé et non pas une télé puisque ses parents n’en possédaient qu’une) (on est encore à l’époque des tubes cathodiques) ; la pièce est carrée, petite pour un salon-salle à manger d’un ménage de quatre personnes, chaque pan de mur est couvert de papier peint à l’exception du mur de droite où se trouvent les larges fenêtres surmontant des panneaux de bois et décorées de voiles et de tentures vert foncé, devant les fenêtres, deux gros fauteuils, accoudoirs et pieds en chêne foncé, épais dossiers et assises en mousse recouverte de velours vert, table de salon circulaire et bois teinté foncé également, le plafond est constitué de plaques de béton séparées les unes des autres par un intervalle de 2cm, il est peint en blanc cassé de même que les portes, le sol est en lino recouvert d’un tapis imitation tapis d’orient, à droite de la fenêtre, un lampadaire à abat-jour, pied en bois torsadé, teinté plus clair que les meubles de salle à manger ; poursuivre plus avant le tour de la pièce vers le canapé assorti aux fauteuils sur le mur qui court vers la porte du hall d’entrée et terminer par le buffet assorti au long meuble adossé au mur de gauche ; aller tout droit vers le hall de nuit, y tourner de même pour voir à gauche la salle de bain, suivie par les toilettes, sa chambre (ancienne chambre de son frère), la chambre de ses parents, ensuite son ancienne chambre et retour à la porte du salon ; effectuer un nouveau tour d’environ 180° pour pénétrer dans sa propre chambre, tournoiement identique dans le sens des aiguilles d’une montre, à gauche meuble pour chaîne hifi, bois laqué de noir, sur le plateau un tourne-disque et dessous une collection de vinyles 33T, au mur un grand poster d’une plage de palmiers et de sable fin style Bora-Bora,de part et d’autre du meuble hi-fi, deux enceintes acoustiques, celle de droite faisant office de table de nuit, accolée au lit recouvert d’un couvre-lit à motifs indiens (on est encore à l’époque des draps de lit et couvertures) qui longe le mur suivant, tous les murs sont couverts de papier peint couleur saumon, fenêtre garnie de voiles et tentures couleur saumon confectionnées par sa mère, moquette lie de vin, plafond identique à celui du salon, au dessus du lit dans le sens de la longueur, un chapeau chinois ou vietnamien, suivi par une étagère en rotin clair avec le haut arrondi, livres et quelques décorations, sur le mur du fond à gauche de la fenêtre, un radiateur à tubes de métal peint dans la même couleur que les plafonds et les portes, au-dessus du radiateur un petit poster représentant un coucher de soleil sur une mer d’Asie traversée par une jonque, de l’autre côté de la fenêtre le petit bureau du grand-père paternel qui était peint en brun foncé et a été décapé pour lui faire retrouver sa couleur naturelle, sur le mur une sorte de pêle-mêle composé de photos découpées dans des revues, une chaise rotin avec un coussin de toile blanche confectionné par sa mère, pour aboutir en fin de course, à une garde-robe trois portes en stratifié couleur pin ; inutile de préciser que virevolter virtuellement autour de l’appartement pendant de si longues minutes lui a filé le tournis. Peut-être aurait-elle dû, à mi-temps, comme pour la valse à trois temps, tourner dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.