Ses savates se collent, décollent du lino beige, annoncent un silence d’horloge, lumière de sieste à travers les stores à demi fermés, odeur de chaleur, odeur d’été, reste de poisson dans le frigo frôlé parfois en clapotis doux par les lanières du rideau dans le courant d’air fin, courant d’air calculé au millimètre qui agite à peine le ruban rose accroché au buffet sombre du salon où trône la télé qui reflète l’enfant, près de la fenêtre fermée, la porte du balcon aux géraniums, le canapé en simili cuir où il ne dort plus la tête à jamais près de la pile de journaux, la télécommande, son fauteuil à elle, d’où elle peut tout voir, la télé, le canapé où il dormait, et à sa droite les photos de famille exposées dans une cavité du buffet sombre, juste à côté des boites de friandises et des lunettes qu’elle vient de poser pour s’offrir toute entière au silence cousu dans son jupon, bruit de satin sur ses cuisses, savates se collent, décollent dans l’entrée avant de s’engouffrer, sous les yeux troubles du père au visage immense, dans le couloir secret où elle ouvre une porte. Son heure est bientôt venue.
Très beau texte où les semelles tiennent un rôle dramatique, subissant l’impact de la perte de contrôle et anticipant la perte du visage… immense visage…