5/40 L’explosion
J’ai été la victime d’une explosion. C’est un événement qui n’arrive jamais, ou rarement dans une vie. J’étais assis dans un canapé, entouré des gens que j’aimais, et c’est arrivé. Pour que vous puissiez visualiser les événements, je vais vous faire visiter l’appartement où la déflagration a eu lieu. Voilà, vous y êtes, au deuxième étage d’un immeuble récent en brique rouge, sous vos pieds des carreaux de lino bleu, devant vous une porte d’entrée bleu foncé, elle est équipée d’un judas. Passez la porte, vous arrivez dans une grande entrée rectangulaire, devant vous à trois mètres il y a une double porte en bois léger qui donne sur le salon. Sur le mur de droite, une bibliothèque, faite de planches épaisses de Sipo, posées sur des cornières en en acier noir. Sur ces planches, des livres, des séries noires, des folios, le Littré en tissu noir, des revues d’ethnologie, des revues sur l’art, des livres sur le bridge. Après la bibliothèque, il y a une porte qui dessert la chambre des filles. Sur le mur qui est à votre gauche, il y a un porte-manteaux, et une autre porte qui est en face de la porte des filles, c’est la porte de la chambre des garçons. J’oubliais, sur les murs de cette entrée, une toile de jute collée, de couleur café, au sol un lino blanc cassé, fait de plaque carrée. Tournez-vous vers la droite, il y a une ouverture après un tout petit pan de mur, il donne sur un petit couloir. Prenez-le. La première porte, la salle de bains, puis celle des toilettes, après vous arriver dans la cuisine. Repartez dans l’entrée, votre temps est compté. Ouvrez la double porte qui donne sur le salon. Attention l’explosion approche, il faut que vous vous souveniez des détails. Entrez dans le salon. Je suis là, à droite, assis sur un canapé en velours rouille, je suis serré entre les autres. À votre gauche, une table en verre fumée équipée de pied en inox, les chaises assorties en inox et recouvertes de tissu de couleur rouille. Après la table, une porte ouvre sur la chambre des parents. Au sol comme vous avez pu le constater dans tout l’appartement, les carrés beiges en lino prospèrent. Les deux pans du mur qui entourent la porte d’entrée sont recouverts d’un papier peint, recouvert de gros cercles orange. Sur le mur en face, celui où il y a le meuble de la télévision, un papier peint avec des fougères marron sur un fond blanc. Sur le mur de gauche, une porte qui ouvre sur la chambre des parents, sur le mur opposé, il y a une baie vitrée avec une vue sur la voie ferrée. Regardez la télévision, l’explosion va arriver. Sur l’écran Jean Gabin, le Pacha, dans une SM bleue, roule vers un studio d’enregistrement, il est à la recherche d’un bassiste soupçonné d’avoir participé à un braquage violent. Un gros plan sur une caisse claire, les baguettes frappent, écoutez ce pattern, deux Congas et la basse suivent, puis une guitare électrique au son muté, gratte des accords funk, le chanteur, cigarette à la main, nous crache à la figure :
Écoute les orgues
Elles jouent pour toi
Il est terrible cet air-là
J’espère que tu aimes
C’est assez beau non
C’est le requiem pour un con
Boom !
Vive Gainsbourg et tes écrits, merci ! Bises.
Merci Clarence. Bises.
Laurent, ta caméra mentale tourne au rythme de l’intro du funky requiem. Dans l’urgence de l’explosion imminente.
Merci pour ton fort beau texte !
Merci FIl
Quel suspense! Et quelle chute, merci pour cette lecture explosive!
Merci Irène