Il me faut franchir à nouveau la porte-fenêtre depuis le perron. Il me faut à nouveau, une main encore sur la poignée de la porte à peine entrouverte, accrocher sur la gauche, assis sur une chaise, le regard dans le vide et les pouces qui tournent qui tournent qui tournent, l’un sur l’autre aussi vite que les vieilles mains le permettent, qui tournent jusqu’au vertige, de mouron d’inquiétude viscérale d’angoisse de ruminations. Je fixe jusqu’à l’obsession les pouces qui tournent qui tournent qui tournent, je lève la tête et j’épouse le vertige des pouces le vertige des pensées intérieures qui affolent le corps et l’esprit, vertige qu’elle a fait mien : l’arrière-grand-mère et son chignon gris assise au bout de la table en formica blanc, confite de silence, dos à la télévision qui tourne en boucle informations météo roue de la fortune motus et autres jeux télévisés feuilletons américains séries françaises Maigret Maguy Feux de l’amour en boucle jour après jour semaine après semaine et puis toujours dans le vertige des pouces qui tournent le papier peint à fleurs jaunes la grande armoire en bois où s’entassent les boîtes de médicaments et les playmobils la porte -fenêtre qui donne sur une vaste de dalle de béton recouverte à moitié de cailloux gris et les pouces de tourner de tourner sur la commode photo en noir et blanc du grand-père bonbonnière sainte vierge dans le tournis des pouces guéridon où trône le téléphone fauteuil club en simili cuir face à la télévision objets derviches tourneurs de l’angoisse et le regard traque et les pouces tournent table en formica blanc arrière-grand-mère fleurs jaunes du papier peint commode fauteuil météo et les pouces continuent de tourner regard dans le vide prendre la tangente du couloir et bifurquer dans une première chambre pour traquer là encore l’angoisse des pouces qui tournent tapie dans l’armoire aux fantômes, les insomnies du grand lit, rythmées par les heures sonnantes de l’église, la table de nuit en bois, un lit à barreaux, des photographies de famille en noir et blanc accrochées au mur et à nouveau jusqu’au vertige armoire lit table de nuit pour faire resurgir jusqu’à l’écœurement les maux de ventre et les nuits sans sommeil le regard retombe rapidement sur la porte sortir et bifurquer immédiatement à droite dans une grande chambre, plus grande que la précédente, le lit de la grand-mère et de l’arrière-grand-mère se font face et saturent l’espace lit table de nuit table de nuit lit armoire lit tables de nuit lit armoire fille mère aïeules fille mère aïeules lit armoire lit tournis de ces générations de femmes dans le tourbillon de leurs histoires aspirant tout sur leur passage
Bonjour Émilie
La caméra tourne au rythme des pouces de l’aïeule et déroule un panorama un peu inquiétant…
Beau texte, merci !
Merci merci d’être passé visiter ma maison hantée…