La porte bien fermée dans le dos, croire à l’abri, s’appuyer, croire quelques secondes intenses… épuisées. Respirer, la journée est de l’autre côté, elle n’entrera pas, le voyage jusque là, derrière à présent, vieille histoire. Nous n’irons plus au bois, ni à la pêche aux moules. Ici, c’est pour un bout de temps. Respirer. Un bon bout de temps. Ne pas allumer, n’être là pour personne. Un vrai soldat possède une vision thermique, un vrai soldat loge un sanglier à 1800 m avec, un vrai soldat repère les lieux l’arme à l’épaule en zigzagant les lunettes dans tous les coins, un vrai soldat ne laisse rien au hasard. Les chaussures tactiques, et le sac de rations et de matériel sont restés près de la porte. Il a horreur des armes. La lune découpe un passage étincelant entre deux portes, il s’étire dedans à présent, on dirait qu’il prend le soleil. Il manque de méthode. Où entrer d’abord ? À droite, à gauche. Il tourne sur lui-même dans son petit rectangle lumineux, une danseuse de boîte à bijoux. Les fenêtres sont loin. Il oscille. Il s’assoit par terre, le craquement de ses genoux l’épouvante : il rebondit dans toutes les pièces de l’appartement vide comme une boule de flipper. L’écho met un temps spectaculaire à disparaître. Respirer. Un vrai soldat ramperait jusqu’à la chambre — vraisemblablement au bout du couloir à gauche, ou à droite — et dormirait deux heures à l’heure pour se réveiller frais et dispos au point du jour — tomorrow, we battle —. Il s’étend sur la moquette frisée, s’étire à l’horizontale cette fois. Vue sur la barre de seuil de la cuisine. Les placards haut perchés, inutile de les ouvrir pour savoir qu’ils sont vides. Le carrelage en plastique reluit sous le coup du réverbère du parking, frais lavé, dirait-on, mais non. Il n’est pas attendu. Pas un mouton, pourtant… Il a dormi un instant. Une heure ? Un vrai soldat ne baisse jamais la garde. Il s’est tourné dans son sommeil. Agité ? Il se réveille dans l’autre sens. La lune lui plonge dessus depuis la fenêtre du salon. Elle bouge vaguement des ombres de feuillages sur les murs. La vision thermique se décline en cinq couleurs — hot black, hot red, rainbow, ultramarine, violet, sepia —. Un vrai soldat est américain. GI Jo. Sans matériel de pointe, l’œil humain distingue tout de même une anomalie dans la couleur d’un salon, quand, à la seule lumière de la lune, il paraît lie-de-vin. Ce qui laisse présager un rose vif — framboise ?— au lever du soleil. Par en-dessous, le canapé semble inaccessible et massif comme un cercueil, autant dormir par terre. Il y a une heure dans la nuit où on se fout de tout, royalement.
J’aime beaucoup. Tout. Sur ma caméra thermique, y a du hot red partout. Mais j’aime. Un vrai soldat n’a jamais chaud…
Je vole, « un vrai soldat n’a jamais chaud ». Merci de ton passage. (On parle caméra thermique quand tu veux : je n’y connais rien, mais ça me fascine).
Je suis…absolument et de plus en plus dans ma quête, pour ne pas dire trop facilement dans ma quê-quête.
Mais, dès que je vois le mot vrai, je tique.
Et s’il est accolé à soldat, je me planque derrière ce que je trouve et j’attends. Parce qu’il y aura un moment où…les portes des placards seront ouverts. Et là, j’aurai un angle de tir.
Merci de m’avoir permis de laisser ce commentaire, et d’avancer, toujours un peu plus.
Dans le chantier en cours, le narrateur ne renonce jamais complètement son enfance. J’avais essayé, mais ça ne marchait pas. Alors surgissent ce type d’expression : le vrai soldat. Il joue avec depuis son encombrant âge en double (adulte, quelle mystification !). Je vais voir pour les placards. J’y pense depuis hier à cause d’une ligne dans le HLM de Fil Berger. Bref, l’atelier est au travail.
À bientôt !
J’atteris dans ce texte un peu perdue. Un enfant ? un qui se la joue? peu importe, ça swingue comme on disait autrefois, j’aime bien ce vrai faux soldat
Merci Catherine. J’ai encore un peu de mal à définir les différents personnages qui traversent cette histoire. Ils sont tous du côté de l’enfance, ça leur déteint dessus. Donc… oui, ils jouent un peu aux soldats parce qu’ils se retrouvent à vivre une forme de clandestinité et qu’ils y sont très débutants. Ils s’accrochent à des références (des films, des livres, des jeux) et apprennent sur le tas. Tes questions m’éclaircissent l’esprit !