Lorsqu’on est sous l’eau et désorienté, il suffit de regarder les bulles d’air qui s’échappent de nous et remontent pour retrouver la surface.
Une pièce carrée. Petite. Des murs irréguliers et blancs. Au milieu, une table ronde en acier peinte en vert et trois chaises, acier vert et bois clair. Sur la table, une coupole en terre cuite avec quelques pêches. La porte d’entrée, ouverte sur une terrasse, encadrée par deux fenêtres. Un rideau de porte en perles et tiges de buis. Souvenirs de ce bruit, mélange de froissements et de tintements. Au dessus de la porte, suspendu par un clou, un panneau en émail « Chasse gardée » criblé d’impacts de plombs. Le long du mur de gauche, côté droit, un bac en pierre servant d’évier pour peu qu’on apporte de l’eau depuis le puits avec les seaux en acier galvanisé posés en dessous. Trois verres retournés sur la partie plate de la pierre taillée. Vereco, ronds, avec un nombre au fond. Quelques couverts aussi. À côté, au milieu du mur, un poêle Gaudin qui a dû être bleu. Qui l’est encore, mais moins. À gauche, enfin, une plaque de deux feux posée sur une table pliante en formica jaune sous laquelle se trouve la bouteille de gaz. Sur le mur qui fait face à l’entrée, un vaisselier en bois sombre. Posés dessus, quelques livres. Shakespeare en anglais, la cuisinière provençale de Reboul, un guide des oiseaux. Suspendue au dessus, une faux. Lame démontée et suspendue, elle aussi, à côté et en hauteur. Le long du dernier mur, un lit. Couverture marron, draps bleu clair. Allongé dessus, un enfant endormi. C’est moi.
Depuis l’extérieur, une porte repeinte en vert et fermée à clé. Difficile à ouvrir. La remise. Minuscule, la moitié du plafond descend en pente jusqu’au sol, c’est le dessous d’un escalier. Bric à brac. Sur une étagère en acier, des ciseaux pour tondre les moutons, une scie à main, des pièges à grives, une cage à oiseaux vide, une tenaille, une boite de clous, une masse, une pile de draps de lourd coton tachés pour ramasser les olives, des grosses boites d’allumettes empilées les unes sur les autres. Au fond, sous l’escalier, une petite baignoire en acier gris. Un étui rigide recouvert de cuir, un fusil de chasse démonté. Une odeur de bois sec d’olivier. Au plafond, des toiles d’araignée.
Derrière la maison, un escalier extérieur le long du mur. En haut, une terrasse. Petite, trois ou quatre mètres de côté. Un fauteuil en osier recouvert d’un tissu sombre. Une chaise longue jaune. Une rambarde de briques rouges sur trois côtés. Paysage de restanques parsemées d’oliviers (dans le haut Var, on dit des berges). Un bassin aux larges bords pour laver le linge. De gauche à droite, un saule pleureur, un prunier, un pin parasol, l’étendage pour le linge. À gauche de la façade ocre, une porte.
Une chambre. Un grand lit avec un couvre-lit blanc, réalisé au crochet. Au pied, de grosses chaussures. Une chaise avec des vêtements sur le dossier. Le mur en face, deux fenêtres grandes ouvertes. Entre les deux, un petit bureau avec, posés dessus des feuilles de papier et des crayons de couleur. À droite, une petite bibliothèque. Sur une étagère, une photo sous verre, deux enfants souriants assis, un blond et un brun, dans une cabane en forme de tipi faites de branches. À gauche, une grande armoire de bois sombre. Le sol, carrelé de tomettes.
Il paraît fragile, on l’impression qu’il va céder d’un moment à l’autre.
JLuc, ton évocation tournante est magnifique !
Une grande poésie rustique autant que fragile.
Merci pour ton texte !
Merci de ton passage et de tes mots, Fil.