C’est un lieu que les hommes ont construit pour les bêtes. Dans le bas de la porte, le trou pour le chat, pour qu’il puisse entrer et sortir, être là ou n’y être pas. Un peu plus loin sur la droite, une fenêtre percée dans l’épais mur en pierres, pas de carreaux, pas de feuillure prévue, juste deux barreaux en bois, juste pour freiner l’entrée des animaux trop gros. La mangeoire verticale pour les chevaux ou les ânes, surement construite après et un peu rapidement. Pas d’assemblages ingénieux, juste des troncs de tout jeunes sapins et de gros clous qui parfois, dépassent de l’autre côté. Par terre encore un peu de paille pour faire des taches plus claires sur la sombre terre battue. Le mur qui fait face à la porte est lui aussi troué d’une porte. Deux marches, on baisse bien la tête et on arrive dans une remise en couloir, aussi longue que le bâtiment, remplie des feuilles que le vent pousse par les planches qui manquent. Quelques bouts de bois posés le long du mur et eux aussi, presque recouverts par les feuilles. En face des mangeoires de chevaux, celles prévues pour les vaches. Plus profondes, plus travaillées, avec ouverture en U, planches taillées et ajustées. Six places et au-dessus de chaque auge réservée, une trappe qui s’ouvre du plafond pour faire tomber le foin, et non un simple trou comme en face pour les chevaux. Le dernier mur qui relie les mangeoires à la porte est aveugle, mur de pierres comme les autres, il est mitoyen de l’escalier extérieur construit sur la pente. À l’étage, la porte peut s’ouvrir à double battant pour amener le foin. Ici tous les murs sont en planches, les poutres de la structure sont apparentes, les assemblages de charpente bien visibles, soignés et fignolés, ajustés avec soin. La pièce est immense et vide. Un tas de fourrage dans un coin, quelques longueurs de ficelle à botte de foin pendues à côté de la porte, une vielle brouette à fumier cassée et une fourche sans manche. Le côté sud est ouvert sur un balcon qui revient vers la porte. La rambarde est rudimentaire, il manque des planches, mais tout au bout, au-dessus de la remise, un vieux coffre en bois aux ferrures travaillées et un landau d’enfant, profonde caisse, sans roues, sans poignée, sans aucun accessoire, il témoigne du lien fort qui existait dans le passé entre les hommes et les bêtes qui vivaient là, les uns pour et par les autres. Hommes et bêtes dans les mêmes bâtiments, nos relations les uns aux autres qui parlent de dedans et de dehors, qui parlent du temps qui passe, d’une vie qu’on ne connait plus
Absolument convaincue par l’intérêt de cette approche de lieux devant lesquels on passe ou dans lesquels on pénètre avec l’impression de toucher la vraie matérialité quotidienne de la vie. Des bêtes et des hommes, leurs liens indéfectibles et ambivalents entre la rudesse et la tendresse… La rivalité aussi devant le confort et l’espace à partager… Toute une reflexion en découle. La nostalgie n’est pas de mise. Ce n’était pas mieux avant, juste un peu plus lent et laborieux. « Tout à la main » comme disait un vieux paysan Aveyronnais en roulant les « r »… « C’était dur, oui, c’était dur… » https://www.thibaultmazars.com/nature-paysanne
Un texte qui à la lecture donne l’impression que la main touche, se promène sur le bois, les pierres… Merci, Juliette. Beaucoup aimé
Chouette si ça marche ! à peaufiner encore pour que tu aies la terre battue sous les pieds 😉