Entrer sans frapper sans pousser porte sans le claquement familier du penne dans la serrure pas un bruit mais le silence cotonneux des défunts là où ils demandaient c’est toi; tourner le regard vers ce trou lumineux dévorant l’image à contre jour focus à droite sur la cuisine rouge sang l’ombre du paquet de nouilles depuis longtemps solidifié couches graisseuses voilant les vitres peintures racornies vieux dégât des eaux; approcher compteur électrique compteur de gaz compteur d’eau aux chiffres figés; soulever couvertures tapis d’orient tapis de bain nappe imperméable couvercle du panier à linge rideau en partie décroché sur cheminée condamnée boîte où s’entrechoquent trois dents de lait; souffler la poussière; pénétrer dans la chambre placard béant papier peint chevaliers dragons étroite fenêtre sur cour que bat une branche du faux acacia; faire volte-face double séjour double porte de séparation salle à manger chambre parents le parquet ne craque pas sous les pas pesants des fantômes; miroirs sans reflet bougie sans flamme table sans repas pièces sans odeur sans haleine murs sans tableau mais leur empreinte jaune nettement se découpe; Ouvrir robinet penderie bouche d’aération fenêtre : les cris des enfants dans la cour de l’école voisine. Vider les lieux.
La caméra mentale parcourt les ravages du temps.
Une échappée de cris d’enfants.
C’est un texte vraiment fort, merci !
Très beau. J’adore l’élision de certains verbes et pronoms, ça participe du flou de la mémoire (pour moi). Et ça alourdit l’atmosphère. J’aime. Merci.