La plupart du temps ce sont des sols de papier : sols vivants, perméables, organiques, terre végétale, platelages bois, noues, berges lagunées, merveilleux dessins qui ne prendront jamais corps, parce que dans le détail, longrines béton pour contraindre les racines, réseaux GRTGaz à confiner, bassins d’orage pour arranger tout le monde.
Deux fois par jour, la marche confronte les plans à la réalité.
Le lino imite le parquet.
Les pavés de la cour ne laissent pas la pluie rejoindre l’avaloir, ni le caniveau, donc il faut monter sur le cadre de la porte cochère pour ne pas se mouiller les pieds.
Les regards de la fibre jamais arrivée jusqu’à l’agence, mais la bande podotactile pour rejoindre le métro les yeux fermés, même si ensuite il faut faire attention à l’anneau qui n’est pas aux normes PMR.
Sols souples puis mécaniques, descente et montée, un rayon vert qui s’accorde très bien aux ombres portées des murets, des arbres et des grilles.
Les enfants cachent des bâtons et des cailloux dans la bouche d’aération RATP. Plantes interstitielles, calepinage recherché des grès et des granits, réserves pour les stands du marché, c’est un quartier piéton.
Pourquoi toutes ces lignes par terre ? Si on faisait tout en verre pour être sûrs de là où passent les réseaux, et qu’il arrêtent de creuser des tranchées sur tout le trottoir ? On ne voit plus que ça, tracés fluorescents, inscriptions sur le métal, gravures sur le béton, Orange, Gaz, Enedis 260619, 071210, PTT, ENI24, GRDF, puis, devant le kébab, les pieds des chaises ont laissé mille petits ronds dans l’enrobé, en haut, le lave-linge a inondé le parquet de vrai bois – les sols vivants sont là.
super belle l’image, rémanente pendant la lecture…
Merci François, c’est vrai que j’ai passé plus de temps sur l’image que sur le texte, c’était le côté plus familier de l’exercice
« Pourquoi toutes ces lignes par terre ? Si on faisait tout en verre pour être sûrs de là où passent les réseaux, et qu’il arrêtent de creuser des tranchées sur tout le trottoir ? On ne voit plus que ça, tracés fluorescents, inscriptions sur le métal, gravures sur le béton, Orange, Gaz, Enedis 260619, 071210, PTT, ENI24, GRDF, puis, devant le kébab, les pieds des chaises ont laissé mille petits ronds dans l’enrobé, en haut, le lave-linge a inondé le parquet de vrai bois – les sols vivants sont là. ». Mêmes constats, là où nous vivons. Je suis pourtant fascinée par tous ces signes aux couleurs fluorisées qui indiquent des intentions de marteau-piqueur. Je les phorographie souvent. J’apprécie beaucoup dans votre texte la précision du vocabulaire , certains mots nouveaux pour moi : « platelages bois, noues, berges lagunées,bandes podotactiles, calepinage recherché des grès » témoignent d’une connaissance appliquée de la nature des sols sous vos pieds. Ne marchez-vous jamais les yeux en l’air ? Votre constat -alibi m’a fait sourire : » Deux fois par jour, la marche confronte les plans à la réalité ».
Votre mosaïque est splendide et elle parvient à sublimer le gris récurrent et poussiéreux des sols, les touches rouges en bas et les lames de bois ( factices ou non) redonnent un peu d’air. Merci pour cet ensemble.
Merci beaucoup ! Contente que ce trajet vous donne le sourire !