adieu tuyau d’arrosage sur carrelage, prendre le large dans le quartier, gravir les graviers à l’horizontale sans écraser la pousse incongrue d’une herbe folle, emprunter la piste cyclable qui mange le trottoir, sans roue et sans pédale, juste la marche sur le bitume qui avale les plaques de fonte de la société nationale des distributions d’eau, être tentée par les tests de pigeons rorschach, fientes magnifiques éclatées au sol, supernovas de l’asphalte mais glisser plus loin, juste à côté des barreaux d’égouts, repérer la ligne du changement entre goudron et ciment, inventorier en passant la diversité des plaques qui bouchent les bouches d’égouts ou qui ponctuent le gaz : un carré de 16 carrés des Frères Bouchez de Basècles, un rond quadrillé dans un carré des Entreprises Lecomte, damiers du gaz rouillés, damier du gaz peint en jaune, compter les pas pris dans le béton (sept), lister les objets oubliés ( paillasson, cintre, canettes, cigarettes, coquille de moule), mettre en déroute la merise au milieu du chemin, filer sur les reflets des clôtures, pet de peinture pour marquage (fantôme joyeux figé dans sa course), quitter le macadam pour les pavés mariés aux gravillons et aux adventices, s’attarder sur les panneaux routiers couchés, empilés, abandonnés, tagués, se perdre dans le pavage en éventail (granit ou basalte ?) et découvrir l’amérique : des carreaux ciments décorés. Plus loin, derrière l’église, les restes d’une fête de mariage (confettis, paillettes) et du sable pour les enfants, des pieds trop grands au pied du cheval à ressort et le retour du pigeon rorschach : l’envol d’une sorcière à dos de dragon ou d’un cavalier mongol arme à la main ou don quichotte jambes coupées devant les moulins, les traces d’un tram oublié, une piste cyclable autonome – rien à foutre je vais partout, une date poinçonnée sur la route (27-08-55) pendant qu’un sentier décampe à droite. Revenir chez soi.